Du domaine des murmures – Carole Martinez

Du domaine des murmures – Carole Martinez – 2011

Pourquoi ? Il m’attendait depuis un petit bout de temps celui-là. Alors voilà.

L’histoire : Au Moyen-Age une jeune fille bien née, préfère un isolement voulu au lieu d’un mariage forcé. Son écran vers le monde ? Une fenestrelle minuscule. Emmurée avec pour seule occupation la prière, Esclarmonde ne s’attendait pas à l’impact sur la vie de son domaine et bien au-delà.

Et alors ? Une lecture appréciée où la rencontre entre le conte et le roman aux allures historiques est réussie. Malgré une légère appréhension de suivre la vie d’une recluse, l’ennui ne m’a jamais guettée. Le style raffiné, la plongée en plein moyen-âge où les croyances et les superstitions diverses gouvernaient le quotidien de chacun m’ont attisée tout au long de la lecture.

De petits points noirs cependant. J’avoue avoir moins accroché au côté surnaturel ou spirituel, c’est selon, qui occupe une place plus large dans la seconde partie du roman quand l’esprit d’Esclarmonde se projette dans celui de son père. Et certains personnages, notamment Lothaire m’ont parue, extrêmes, caricaturés à la limite du ridicule.

En bref : Un style raffiné pour mettre en lumière le destin de celles qui se voulaient dans l’ombre.

Et on tuera tous les affreux – Boris Vian

Et on tuera tous les affreux – Boris Vian – 1964

Pourquoi ? Recommandé car parait-il c’est un petit roman pour se détendre et j’en ai besoin.

L’histoire : Rocky met sous couvercle deux choses : son corps de rêve et sa virginité. L’un convoité et l’autre mise à l’épreuve la nuit où Rocky se fait kidnapper dans l’étrange clinique du docteur Schultz. Il s’en échappe, mais cadavre + coéquipiers de choc le poussent à mener l’enquête.

Et alors ? Un petit roman atypique tiens. Pas bien lourd au poids, 200 pages à peine, mais notre Boris Vian, sous le pseudo Vernon Sullivan, détourne savamment le polar et le roman d’anticipation. L’action est soutenue ; mon esprit a été de nombreuses fois rattrapé à l’ordre, car les retournements sont nombreux et brutaux ; on va dans un sens, puis on courre dans un autre. L’histoire tire sur les grosses ficelles et les clichés sont nombreux, mais comme ils sont déposés dans le roman de façon intentionnelle et voulue, ils en font son charme.

Au niveau des nombreux personnages, on passe à côté de la nuance,  mais encore une fois la caricature est voulue. Aux lecteurs de s’accorder avec cette légèreté de façade…. car derrière la pastiche divertissante, le clonage et l’eugénisme font froid dans le dos.

Ce roman de 1964 n’a que peu de rides. Dommage que le final tombe trop vite

En bref : Polar teinté de science fiction loufoque avec quelques parties fines entre deux tranches d’action.

Chanson douce – Leila Slimani

Chanson douce – Leila Slimani -2017

Pourquoi ? Parce que un Goncourt en forme de roman noir, je prends !

L’histoire : Après la naissance de son second enfant, Myriam a besoin d’une nounou à temps plein. Louise caresse la perfection et se rend vite indispensable au jeune couple. On sait dès les première pages qu’elle a tué les deux enfants à charge, on suit alors le préambule au drame.

Et alors ? Avant de donner mon impression, je voudrais mettre de côté le débat le roman méritait-il le Goncourt, oui ou non. Franchement, je n’en sais rien. L’obtention du prestigieux prix m’a peut-être un peu déroutée au départ, parce qu’on s’attend à un style moins accessible. Or ici les pages se tournent à grande vitesse, c’est prenant et angoissant.

J’ai beaucoup aimé Chanson douce, car derrière l’apparente simplicité et perversité de l’histoire se dévoile le dilemme complexe d’une mère. Avoir des enfants, tenir les rênes d’un foyer, rester femme et tenir bon au niveau professionnel. Le casse-tête de chacune, avoir l’impression que privilégier un côté peut rendre la pyramide bancale.

Leila Slimani est une auteure à suivre parce qu’elle ose. Elle ose les sujets laissés de côté, la nymphonanie chez la femme, et ici l’infanticide.

En bref : Aux frontières de la poésie, nous traversons un territoire glacial.

 

Le rêve dévoré – Jo Rouxinol

Le rêve dévoré – Jo Rouxinol – 2018

Pourquoi ? Parce que le roman m’a été ‘vendu’ des étoiles plein les yeux par quelqu’un qui se reconnaitra.

L’histoire : Clarisse est une ado, un cas à problèmes, qui chahute la vie de ses professeurs et de ses parents. Elle répond à l’incompréhension des adultes qui l’entourent par la violence. Son seul refuge, une relation virtuelle avec un certain Sergio…

Et alors ?

Ce n’est pas un livre à suspens, et pourtant il y a du rythme. Quelques flash back annoncent la cicatrice de Clarisse, celle qui suinte quand elle ne peut plus réprimer sa fureur.

Ce n’est pas non plus une romance, et pourtant de l’amour, de la déraison il y en a. Avec, je trouve, un risque, un contre courant pris par l’auteure que je salue.

Ce n’est pas non plus un road trip. Même si on voyage et que le Portugal s’inscrira dans vos envies d’évasion.

Le rêve dévoré ne rentrera pas dans une case, mais sautera à pieds joints dans plusieurs.

J’ai retrouvé la plume confortable de Jo, entre douceur et mots qui frappent. Ici encore, elle utilise la narration à la première personne, comme elle l’avait fait pour Le carnaval des illusions. On est dans la tête de Clarisse, ses réactions imprévisibles, tranchées, brutales.

J’ai simplement trouvé que les deux personnages principaux mettaient du temps à percer leur bulle paradisiaque. C’est juste un détail, et leur destin fissuré explique sans doute la distance qu’ils mettent avec le monde des adultes.

En bref : C’est l’histoire d’une parenthèse enchantée, rongée par la réalité. Elégant et brutal.

Extraits : 

Ma vie se résume à ça, des adultes qui parlent de moi, qui veulent me faire entendre raison, me pousser dans les rangs […] c’est bien, on ne te distingue presque plus au milieu de la foule, bravo ma fille, dissous-toi, dilue-toi.

La Baixa est un quartier relativement récent, comme le montre son tracé géométrique qui résulte d’une volonté délibérée, toute politique, plutôt que d’une histoire séculaire.

Je refusais tout passage à l’écrit. Noircir des pages me coûtait, tracer des lettres était une tâche laborieuse, fastidieuse et surtout parfaitement inutile.

A(i)mer – Odehia Nadaco

A(i)mer Odehia Nadaco 2018

Pourquoi ? Parce que j’avais goûté à  Knysna et dans mon retour, je regrettais de rester sur ma faim. Selon moi, le personnage principal Hilton méritait un passé plus étoffé. Il y a quelques semaines sortait A(i)mer préquel de Knysna…. Je me devais donc de connaitre comment l’auteure avait continué d’enrober son personnage…

L’histoire : Un matin, Hilton est réveillé par les fantômes du passé, bien trop menaçants et musclés pour passer au travers. Son meilleur ami se retrouve alors en danger de mort, les souvenirs en profitent pour refaire surface avec violence. Avec ce sacré lot d’emmerdes se profile l’inévitable confrontation avec la famille d’Hilton, qui vous le comprenez, n’est pas forcément la meilleure alliée pour une vie sereine.

Et alors ? C’est un roman troublant. Une histoire qui ne délivre pas tout, à la différence de quelques scènes brutales qui ne vous épargne aucun détail.

A(i)mer, c’est la vie d’un marginal dans l’âme  qui paie au prix fort son indépendance ; il avait tout pour se dorer la pilule au soleil, mais Hilton préfère rester à l’ombre de la fortune familiale… Hilton, justement, à l’image du roman, il n’est pas formaté pour plaire au plus grand nombre. A(i)mer n’amène pas le lecteur là où il pense aller. On croit dans les premières pages se retrouver plongé dans un thriller, avec ce sévère coup de poing dans le premier tiers. Je m’attendais à une suite déchainée … Non. Même si le reste du roman donne la part belle à quelques scènes d’actions nerveuses, sont largement décrits ces souvenirs toxiques, drapés d’une ambiance parfois comateuse quand il s’agit de traiter de la dépendance d’Hilton aux médocs et aux drogues. Et cette histoire d’amour qui s’entremêle…

Odehia Nadaco a ce talent de balayer des genres différents tout en évitant les clichés, les phrases toutes faites.

Le passage qui m’a le plus touchée est celui qui amène la violente finalité du roman. Il s’agit du regard jeté par un ancien camarade de classe à Hilton. Comprendront ceux qui l’ont lu.

Le petit défaut pour moi, c’est ce passé, présent entrecroisés auxquels il faut parfois un léger effort pour se raccrocher. En même temps, je pense pas que l’intention de l’auteure soit de délivrer du tout cuit. J’aurais aussi aimé passer un peu plus de temps au Château, que cet endroit prenne encore davantage de place encore dans l’histoire …

En bref : Noir et brutal, un roman qui ne répond pas aux codes, tout en les respectant.

Extraits :

La nuit arriva vite et le froid l’avait rapidement gagné. Quelques frissons d’abord, de ceux qui accompagnent un changement brusque de température, puis le froid pénétrant, celui qui glace jusqu’aux os. Des chaussettes. Si on lui avait demandé ce qu’il voulait à ce moment précis, seule sa paire de chaussettes lui serait venue à l’esprit.

Ce soir, les filles nous proposent de nous emmener au Château. Nous voilà ainsi partis pour passer à l’abri des regards, dans cette maison bourgeoise qui a bien l’aspect d’un château, avec ses espèces de tourelles, son parc arboré, derrière lequel elle se cache aux yeux de tous.

Il explosa intérieurement, retint gonds, serrures et portes complètes.

 

 

Pactum Salis – Olivier Bourdeaux

Pactum salis – Olivier Bourdeaut – 2018

Pourquoi ? Parce que j’avais bien accroché à son premier roman En attendant Bojangles et puis comme mes beaux-parents m’ont offert Pactum Salis, c’était le moment de voir ce que donnait le deuxième roman de cet auteur prometteur….

L’histoire : Deux personnages, un agent immobilier aux dents longues et un paludier solitaire, se retrouvent liés suite à un épisode malencontreux.

Et alors ? Oupps je n’ai pas accroché…. Alors pourquoi je me le demande encore, les qualités d’écriture sont là, et me retrouvée dans les marais salants étaient une perspective qui m’enchantait.

J’ai tout de même une petite ébauche d’explication : le roman verse dans la littérature dans les premières pages avec des descriptions réussies aussi bien pour les paysages des marais salants de Guérande que pour ses personnages, avant de basculer dans une sorte de caricature avec des protagonistes hauts en couleur et des situations un peu tirées par les cheveux. J’avoue que j’ai une préférence pour la nuance plutôt que le côté excessif des choses, mais si c’est bien mené je m’adapte. Ici, aucune attache ne s’est développée pour les personnages, ce qui a provoqué très rapidement un sérieux ennui.  Des dialogues théâtraux bien ficelés, mais je me suis demandé ce qu’ils faisaient là. Et quand au beau milieu du roman on trouve un cadavre, j’ai lâché prise, parce que je me suis rendue compte que je n’avais même pas envie de savoir qui était mort, à cause de qui et pourquoi.

En bref : Un roman qui a de grandes qualités mais qui voulait peut-être prétendre à trop de choses en même temps ?

Extraits :

Cette distance avait toujours suscité un intérêt chez les filles, elles mettaient cet éloignement sur le compte d’une touchante timidité teintée d’un certain romantisme. Le romantisme du cavalier solitaire. Elles venaient nombreuses et repartaient dès qu’elles comprenaient qu’il fréquentait une banale calculatrice.

Les effets cumulés du soleil sur sa peau et de l’acidité du vin blanc sur son cerveau avaient produit une manière de transe qui alimentait des souvenirs bégayants et un regard flottant.

Les loyautés – Delphine de Vigan

Les loyautés – Delphine de Vigan – 2018

Pourquoi ? Parce que j’aime bien le style de la dame, même si la lecture achevée, il faut se réinjecter une bonne dose de pensées vivifiantes pour revoir la vie en couleurs. Vous l’aurez compris, le roman épongera votre côté sombre ou vous y plongera complètement.

L’histoire : Une palette de personnages, deux ados qui s’essaient à l’alcoolisme, une enseignante à l’affût des signes de mal être d’un de ces élèves et une mère de famille dont l’esprit présente quelques petites anomalies.

Et alors ? Le style De Vigan, c’est tout doux et confortable brassé avec grande tristesse. La lecture est rapide, 200 pages bien aérées, avec une histoire qui pousse à tourner les pages. Certains lecteurs diront que c’est trop court (n’est-ce pas Emilie ?). Personnellement, j’aurais pu connaitre quelques difficulté à être plongée trop longtemps dans cette ambiance où chaque personnage a envie de tout laisser couler.

Jo Rouxinol, en parlant de sa lecture, avouait avoir retenu sa respiration par peur du faire du bruit, je la comprends. Un éventail de mots choisis, des formulations poétiques et on a presque l’impression de flotter ou d’être en apnée, c’est selon.

Je ne peux pas le cacher, c’est mon caractère, j’aurais bien secoué certains personnages.  Ils nagent dans leur mal-être en tournant en rond et il ne manquait plus que je renverse le bocal. Cette remarque ne concerne pas les ados, victimes des adultes qui leur trace un chemin tout droit vers la déprime. On comprend mieux ces deux jeunes qui brouillent leur réalité en buvant.

Ce sont des tranches de vie malheureuses, un résultat de beaucoup de choses qui auraient pu être évitées. Nous arrivons quand plus grand chose ne semble pouvoir être sauvée.

Alors vous allez me dire, mais t’es bien abattue après cette lecture ? Oui un peu, même si je peux dire que j’aie aimé Les Loyautés.

En bref : C’est presque un état des lieux poétique d’une somme de désillusions et de grandes claques.

Extraits :

Très vite, Théo a appris à jouer le rôle qu’on attendait de lui. Mots délivrés au compte-gouttes, expression neutre, regard baissé. Ne pas donner prise. Des deux côtés de la frontière, le silence s’est imposé comme la meilleure posture, la moins périlleuse.

Un soir, le journal télévisé a diffusé un reportage sur une marée noire provoquée par un accident de pétrolier. […] et j’ai aussitôt pensé à nous tous, ces images nous représentaient mieux que n’importe quelle photo de famille. C’était nous, c’étaient nos corps noirs et huileux, privés de mouvement.

Qui veut la peau de Nestor Boyaux – Lucius Von Lucius

Qui veut la peau de Nestor Boyaux – Luc Doyelle

Pourquoi ? Il y en a un qu’on ne peut pas louper dans la sphère des auteurs indé : c’est Lucius. Il dégaine deux choses : jeux de mots et extraits des meilleurs morceaux d’Ennio Morricone. Nous laisserons aujourd’hui de côté le talentueux compositeur italien pour évoquer la passion de Lucius pour les mots :  ses rébus, calembours ou devinettes loufoques sont parfois mon premier triturage de méninges du matin… Enfin bref… Lucius est aussi auteur et puisqu’à priori tout le monde a déjà fait la connaissance de son mort-vivant, moi je me suis penchée sur Nestor Boyaux.

L’histoire : Lucius se met en scène. Ecrivain en mal d’inspiration, il se rapproche de son ami de toujours, le fameux Nestor Boyaux, pour redonner en quelque sorte de l’essence à ses écrits. Nestor travaille dans le crime et pour Lucius qui tente une percée dans le polar, c’est une belle aubaine…. Oui mais tout part rapidement de travers, car avant même que la première ligne ne soit écrite, le cadavre de Nestor est retrouvé et le principal suspect, je vous le donne en mille : notre Lucius. Maintenant pour lui, la seule solution c’est la fuite.

Et alors ? Je ne vais pas cacher que j’ai eu quelques appréhensions quant à une présence trop importante de calembours au détriment d’une histoire. Alors évidemment il y a des jeux de mots; des expressions détournées, c’est loufoque, mais ce n’est pas du grand n’importe quoi. L’humour est là pour assaisonner un road movie haut en couleur. J’ai lu ce roman avec le sourire, l’attention en alerte pour ne pas manquer une finesse. L’ennuie ne m’a pas une seule fois effleurée. Le rythme est rapide, mais cela ne veut pas dire que la qualité de l’écriture est écartée. Et ça c’est un gros bon point.

Dans cette histoire rocambolesque, on trouve beaucoup d’éléments autobiographiques. Alors vous allez me dire normal, c’est un peu une auto fiction à la sauce humour. Pas faux ! De l’humour, oui il y en a, mais je ne pense pas me tromper en assurant que ce roman a pu germer grâce à une angoisse de l’auteur…

En bref : Une parenthèse rocambolesque qui fait du bien.

Extraits :

Il commençait à me plaire le père Nestor. Il faut avouer qu’il me pratiquait depuis quelques décennies, et savait pertinemment par quel bout me tendre la carotte.

Pour l’heure, elle veillait au grain, non de sable, mais de blé. Je devais l’approvisionner en munitions, sans quoi le combat tournerait à l’avantage des gros bonnets de l’édition.

De guerre exténuée, nous avons bricolé un alambic, mais le lait de brebis ne contient pas suffisamment de sucre. Notre eau de vie de brebis n’attire pas les foules, d’autant que l’odeur nauséabonde qui accompagne la distillation ne plaide pas en notre faveur. Le directeur nous a même octroyé une semaine d’isolement pour nous faire passer le goût des expériences.

Pour le trouver :

https://www.amazon.fr/dp/B071J9259W/ref=dp-kindle-redirect?_encoding=UTF8&btkr=1

Dans le jardin de l’ogre – Leila Slimani

Dans le jardin de l’ogre – Leila Slimani

Pourquoi ? Parce qu’il m’a été recommandé et Chanson douce tardant à sortir en poche, j’avais envie de me jeter sur le premier roman de Leila Slimani. C’est parti !

L’histoire : Adèle est dépendante aux relations sexuelles. Elle vit en déséquilibre complet entre ses besoins et la façade qu’elle entretient avec son mari et son fils.

Et alors ? D’abord troublée par le style clinique des première pages, parfois une énumération d’actions, un journal de bord, distant, sans émotion. Et une fois cette première impression passée, je me suis accommodée et j’ai été conquise par la froideur de ce roman qui traite d’un sujet plutôt chaud.

On ne trouve pas Dans le jardin de l’ogre ce qui inonde le rayon érotisme des grandes librairies. Adèle est maigre et sèche et elle cumule les rapports, parfois brutaux. Le champs lexical lié aux plaisir est mis à l’écart, les notions de désir et de jouissance, quasiment inexistantes. Le sexe, pour Adèle, est un besoin qui la salit, qui l’écarte du bonheur, qui ne la comble même pas.

Des lecteurs seront exaspérés par les comportements des personnages. Celui d’Adèle, terriblement fragile, à l’instinct maternel précaire, mais d’un pragmatisme absolu quand il s’agit d’organiser ses plans culs. Ou encore celui du mari qui ne se rend compte de rien, aveugle consentant, presque niais à vouloir un bonheur trop simple. Je comprends, j’ai eu ce genre de réaction pour ces deux personnages, et pourtant j’ai été séduite par le style de Leila Slimani. A bientôt pour Une chanson douce…

En bref : Chronique d’un plaisir devenu maladie.

Extraits :

En devenant mère et épouse, elle s’est nimbée d’une aura de respectabilité que personne ne peut lui enlever. Elle s’est construit un refuge pour les soirs d’angoisse et un repli confortable pour les jours de débauche.

Elle ne se souvient de rien de précis, mais les hommes sont les uniques repères de son existence. A chaque saison, à chaque anniversaire, à chaque événement de sa vie, correspond un amant au visage flou. Dans son amnésie flotte la rassurante sensation d’avoir existé mille fois à travers le désir des autres.

Il reste de la poussière – Sandrine Collette

 

Pourquoi ? Décrit par François Busnel comme un diamant brut…. ça me donne envie de me faire piéger (ou pas.) On verra…

L’histoire : Nous sommes en Patagonie, dans une estancia, exploitation agricole d’Amérique du Sud. Une mère domine et trime, ses quatre fils obéissent et triment aussi. La dure labeur et la routine rythment une vie vouée à la pauvreté ; l’émergence de l’élevage intensif pousse vers la misère les plus petites exploitations. Mais un événement va tout changer pour La mère et ses quatre fils…

Et alors ? Très, très (oui j’en ai mis deux!) agréablement surprise. La comparaison alléchante de François Busnel n’était pas racoleuse, mais méritée. Nous suivons à tour de rôle les cinq personnages dans leur besogne et l’évolution peu reluisante de leur situation. C’est presque un huit clos grand ouvert avec des descriptions soignées aussi bien pour les paysages de Patagonie que pour les activités agricoles.

Le style de Sandrine Collette est en parfaite harmonie avec l’histoire. Brute, point d’envolée lyrique dans ce climat sec.  Il n’y a pas une succession d’aventures à en perdre haleine. Les personnages sont arides, tantôt violents, tantôt abattus par la rudesse de leur quotidien, mais attachés à leur croyance. Point de place pour les sentiments, juste quelques valeurs en surface qui font grincer les rouages de leurs relations.

Alors il faudra juste m’expliquer pourquoi je vois ce roman estampillé thriller en quatrième de couverture. Sandrine Collette a été connue par son roman de captivité Des Noeuds d’acier, mais doit-on la reléguer à une catégorie bien définie, alors qu’ici je ne flaire le thriller ni de près ni de loin.  L’action est lente. Des retournements il y en a bien sûr et l’action dévie par moment oui, mais on ne s’emballe pas… J’ai même mis deux semaines pour le lire, alors qu’il n’était pas très épais. J’avais juste envie de savourer…

En bref :  C’est noir, ça prend son temps, c’est brut et un peu poussiéreux. A lire !

Extraits :

Avec la même raideur. Et les mêmes travers. Elle picole autant que les gars, chacun son tour, se dit-elle en silence, les yeux levés au ciel, le sourire méchant.

Au loin, le ciel a viré maussade, taché de nuages noirs, Rafaël sent la tension dans l’air. Orage magnétique ? Pluie torrentielles ? […] Dieu qu’il en faudrait de l’eau? Et peut-être passera t-elle à côté, emmenée par les vents joueurs, et ils regarderont le flanc des nuages en rêvant de les crever au fusil – certains essaieront sans doute, dans un élan insensé.