Changer l’eau des fleurs – Valérie Perrin

Pourquoi ? Prix de la maison de la presse, des lecteurs conquis et moi je vais en penser quoi de cette lecture ?

L’histoire : Violette Toussaint est garde cimetière. Solitaire dans un monde où la mort fait bien plus que rôder, notre Violette voit son petit monde basculer et son passé resurgir quand un policier vient lui demander de l’aide pour comprendre les choix de sa défunte mère.

Et alors ? C’est pas mal dans l’ensemble, même si j’étais loin de l’extase littéraire.

Je distribue d’abord les bons points : l’écriture est plaisante, quelques anecdotes sont savoureuses et puis faire séjourner ambiance feel good, cimetière, deuil et un soupçon d’enquête est tout à fait louable.

Oui mais voilà… j’avoue m’être ennuyée. La faute à la structure en forme de cafouillage du roman. Des aller retours incessants, marche avant, arrière, on recule un peu, et puis on fait trois pas de côté. Bref, j’aurai pu finir avec le mal des transports et l’envie de trancher dans le lard ; sauter quelques passages et louper le retournement final.

Est-ce que je me suis accrochée aux personnages ? Je l’aime bien la Violette, mais on lui a versé une quantité prodigieuse de merde dessus, alors j’ai cette désagréable impression d’être forcée à la trouver courageuse… Comme un peu le reste des personnages qui sont partager dans deux camps : les gentils et les méchants. L’adorable caissière, l’insupportable belle-mère, le mauvais mari, la meilleure amie toute dévouée. (Mention toutefois spéciale pour Philippe Toussaint qui sauve la masse de stéréotypes.)

Dernier point négatif et tout à fait personnel, je n’ai pas adhéré non plus à la relation entre Irène et son amant. Trop clichée, pompeuse.

Bref : Un roman qui aurait mérité de la nuance et une chronologie qui se tienne.

Celle que vous croyez – Camille Laurens

Celle que vous croyez – Camille Laurens – 2018

Pourquoi ? Mis en avant par une lectrice belge qui m’avait recommandé le percutant Débâcle de Liz Spit. Allons-y !

L’histoire : Suite à son récent divorce, Claire se retrouve à nouveau sur le terrain de la séduction. Mais la voilà reléguée aux articles à date de péremption proche ! Dans le camp féminin, n’y a t-il donc que la jeunesse qui prime ?

Et alors ? Le livre débute comme une indignation, un procès contre cette société qui décide, une fois la femme positionnée dans la mauvaise tranche d’âge, qu’elle doit laisser sa place à la jeunesse. Je citerai l’une des phrases fortes Les hommes murissent, les femmes vieillissent. L’homme peut jouer les immortels entouré de jeunes femmes, le contraire est moqué.

Bon, j’avoue avoir craint deux choses dans les premières pages. La première, c’est que la colère et le féminisme de l’auteure tiennent les rennes du roman. Alors même si je partage son point de vue, je n’avais pas envie d’être convaincue, ni dépitée en calculant combien de temps il me restait avant mon déclin. La deuxième était le jeu dangereux du roman  qui, dans l’air du temps, bâtit une histoire autour des réseaux sociaux. Rencontrer dans la première partie un jeu de séduction via messenger ne me fait pas rêver. Et j’avoue que le genre de mâle que tente de séduire la narratrice -séduisant artiste qui patiente gentiment dans son domaine aux basques, aux crochets des autres  – me donne envie de leur foutre deux claques.

Même si j’étais circonspecte, la suite se rattrape, se complexifie. Un intéressant jeu de miroirs qui floute la réalité, échange les rôles, réussit à se faire croiser des chemins parallèles (en mathématiques, ce n’est pas possible, en littérature si !). Moins de colère, davantage de réflexion, le coeur du roman m’a plu.

Il y a du suspens certes dans Celle que vous croyez. Ne vous attendez cependant pas un thriller. Point de cadavre, juste des victimes de l’envie de plaire, toujours.

En bref : Un roman aux airs d’auto fiction, une ronde autour des relations virtuelles/réelles.

San-Antonio chez les Mac – Frédéric Dard

San Antonio chez les Mac – Frédéric Dard 1974

Pourquoi ? Parait que le style Frédéric Dard, c’est un peu un passage obligé, alors quand on se retrouve dans une librairie en vacances avec toute une palette de San Antonio, il est temps de faire son choix…

L’histoire : Quelques gorgées de whisky foutent en l’air une soirée mondaine. San Antonio est dépêché sur les lieux, puis réquisitionne son fidèle acolyte pour un périple en Ecosse.

Et alors ? Les bons mots et les phrases délicieuses de l’auteur écrasent l’histoire en elle-même. Le pourquoi du comment de l’enquête n’offre que très peu de surprises.

Les jeux de mots sont plus nombreux que les cadavres et les parties de jambes en l’air sont décrites avec une accumulation abracadabrantesque de positions haute voltige. La nuance est mise de côté, les personnages sont caricaturaux à l’extrême donnant ainsi lieu à quelques comparaisons truculentes qui ont réussi à me faire éclater de rire. (3-4 fois dans la lecture, c’est déjà pas mal.)

Je ne pourrais pas aligner une dizaine de San-Antonio à la suite, mais je viendrai à nouveau saluer notre Frédéric Dard d’ici quelque temps ; peut-être dans un autre registre, sans son célèbre San Antonio.

En bref : Quand l’enquête ne fait pas le poids face au style.

Du domaine des murmures – Carole Martinez

Du domaine des murmures – Carole Martinez – 2011

Pourquoi ? Il m’attendait depuis un petit bout de temps celui-là. Alors voilà.

L’histoire : Au Moyen-Age une jeune fille bien née, préfère un isolement voulu au lieu d’un mariage forcé. Son écran vers le monde ? Une fenestrelle minuscule. Emmurée avec pour seule occupation la prière, Esclarmonde ne s’attendait pas à l’impact sur la vie de son domaine et bien au-delà.

Et alors ? Une lecture appréciée où la rencontre entre le conte et le roman aux allures historiques est réussie. Malgré une légère appréhension de suivre la vie d’une recluse, l’ennui ne m’a jamais guettée. Le style raffiné, la plongée en plein moyen-âge où les croyances et les superstitions diverses gouvernaient le quotidien de chacun m’ont attisée tout au long de la lecture.

De petits points noirs cependant. J’avoue avoir moins accroché au côté surnaturel ou spirituel, c’est selon, qui occupe une place plus large dans la seconde partie du roman quand l’esprit d’Esclarmonde se projette dans celui de son père. Et certains personnages, notamment Lothaire m’ont parue, extrêmes, caricaturés à la limite du ridicule.

En bref : Un style raffiné pour mettre en lumière le destin de celles qui se voulaient dans l’ombre.

Les Ritals – François Cavanna

Les Ritals – François Cavanna – 1978

Pourquoi ? Parce que, après le très apprécié Lune de miel, j’ai pris rendez-vous avec Les Ritals.

L’histoire : Cavanna nous livre des fragments de son enfance et de son adolescence dans le quartier Sainte-Anne.  La naissance de son désir d’écrire, son statut de fils d’immigré italien, ses premiers émois, le tout est livré sous forme de chroniques.

Et alors ? Bon, je le dis tout de suite, je n’aurais peut-être pas dû aligner deux romans du même auteur. Je me l’interdis à la base, mais une fois n’est pas coutume, à peine Lune de miel terminée et un détour par Boris Vian, j’ai eu à nouveau envie du style Cavanna et je me suis jetée sur Les Ritals. Or ces deux lectures rapprochées m’ont poussée à la comparaison et sans le vouloir, j’ai mis les deux romans en concurrence. Avec les Ritals, je me suis sentis dans une sorte de prolongement -alors qu’il a été écrit une bonne trentaine d’années auparavant -mais en moins bien affinée. L’unité de temps plus restreinte, mais l’architecture est semblable, c’est une autobiographie écrite sous forme de chroniques désordonnées.

Malgré ce petit désagrément, je pousse à la lecture de Cavanna, et pour une fois j’y vais de mon petit conseil, lisez les Ritals et sans doute les Russkoffs avant de clôturer -en apothéose- avec Lune de miel.

Cavanna nous livre un portrait de ses parents qui sonne juste, rarement idéalisé, mais dont les parts d’ombres forment les questionnements de l’homme qu’il est devenu.

L’histoire de la période entre deux guerre apparait en second plan et elle est vue au travers du regard d’un garçon qui s’approprie l’actualité avec les quelques outils mis à disposition. Il voit même d’un bon oeil l’élection d’un certain d’Hitler décrit à cette époque comme celui qui apportera un souffle nouveau…

En bref : Un chapelet de souvenirs égrené avec l’humour, à la fois truculent et triste, d’un adulte lucide.

Et on tuera tous les affreux – Boris Vian

Et on tuera tous les affreux – Boris Vian – 1964

Pourquoi ? Recommandé car parait-il c’est un petit roman pour se détendre et j’en ai besoin.

L’histoire : Rocky met sous couvercle deux choses : son corps de rêve et sa virginité. L’un convoité et l’autre mise à l’épreuve la nuit où Rocky se fait kidnapper dans l’étrange clinique du docteur Schultz. Il s’en échappe, mais cadavre + coéquipiers de choc le poussent à mener l’enquête.

Et alors ? Un petit roman atypique tiens. Pas bien lourd au poids, 200 pages à peine, mais notre Boris Vian, sous le pseudo Vernon Sullivan, détourne savamment le polar et le roman d’anticipation. L’action est soutenue ; mon esprit a été de nombreuses fois rattrapé à l’ordre, car les retournements sont nombreux et brutaux ; on va dans un sens, puis on courre dans un autre. L’histoire tire sur les grosses ficelles et les clichés sont nombreux, mais comme ils sont déposés dans le roman de façon intentionnelle et voulue, ils en font son charme.

Au niveau des nombreux personnages, on passe à côté de la nuance,  mais encore une fois la caricature est voulue. Aux lecteurs de s’accorder avec cette légèreté de façade…. car derrière la pastiche divertissante, le clonage et l’eugénisme font froid dans le dos.

Ce roman de 1964 n’a que peu de rides. Dommage que le final tombe trop vite

En bref : Polar teinté de science fiction loufoque avec quelques parties fines entre deux tranches d’action.

Lune de Miel – François Cavanna

Lune de miel – François Cavanna – 2011

Pourquoi ? Recommandé par le barbu, aussi ronchon que bon conseiller celui-là.

L’histoire : François Cavanna, personnage reconnu dans la sphère satirique, nous livre ses souvenirs, alors que Miss Parkinson (comme il aime la surnommer) lui offre une lune de miel, un moment de répit.

Et alors ? Même si François Cavanna se raconte, Lune de miel ne se lit pas vraiment comme une simple autobiographie. C’est davantage  une compilation de souvenirs que l’auteur remodèle avec sa sympathique truculence. Le roman ne respecte pas de chronologie, nous accompagnons Cavanna tantôt dans la crasse de son passage au STO, tantôt dans sa douloureuse liaison avec Miss Parkinson. Il donne aussi la part belle à la bande de joyeux lurons qui a fait Hara Kiri et Charlie Hebdo, mais aussi à la relation atypique qu’il entretient avec Virginie, fidèle lectrice et béquille à la fin de sa vie. Le lecteur valse entre ces trois mondes, entre légèreté, anecdotes, réflexion et constat des plus amers quant au temps qui passe et aux liens amicaux souvent brisés.

Lune de miel… C’est un peu pour ce genre de trouvaille que je traine sur les groupes de lecture. Dénicher ce qui a failli me filer entre les doigts.

En bref : Sans aucun doute un combat pour l’auteur, un plaisir pour le lecteur.

Chanson douce – Leila Slimani

Chanson douce – Leila Slimani -2017

Pourquoi ? Parce que un Goncourt en forme de roman noir, je prends !

L’histoire : Après la naissance de son second enfant, Myriam a besoin d’une nounou à temps plein. Louise caresse la perfection et se rend vite indispensable au jeune couple. On sait dès les première pages qu’elle a tué les deux enfants à charge, on suit alors le préambule au drame.

Et alors ? Avant de donner mon impression, je voudrais mettre de côté le débat le roman méritait-il le Goncourt, oui ou non. Franchement, je n’en sais rien. L’obtention du prestigieux prix m’a peut-être un peu déroutée au départ, parce qu’on s’attend à un style moins accessible. Or ici les pages se tournent à grande vitesse, c’est prenant et angoissant.

J’ai beaucoup aimé Chanson douce, car derrière l’apparente simplicité et perversité de l’histoire se dévoile le dilemme complexe d’une mère. Avoir des enfants, tenir les rênes d’un foyer, rester femme et tenir bon au niveau professionnel. Le casse-tête de chacune, avoir l’impression que privilégier un côté peut rendre la pyramide bancale.

Leila Slimani est une auteure à suivre parce qu’elle ose. Elle ose les sujets laissés de côté, la nymphonanie chez la femme, et ici l’infanticide.

En bref : Aux frontières de la poésie, nous traversons un territoire glacial.

 

Le club des punks contre l’apocalypse zombie. – Karim Berrouka

Le club des punks contre l’apocalypse zombie – Karim Berrouka -2017

Pourquoi ? Parce qu’Odehia Nadaco (auteure de A(i)mer et de Knysna pour ceux qui suivent.) a proposé de faire séjourner Le club des punks contre l’apocalypse zombie chez quelques lecteurs consentants. Comme je n’ai rien contre les punks et encore moins contre les zombies, j’ai proposé l’hospitalité à tout ce petit monde.

L’histoire : Après avoir quelque peu abusé de substances hallucinogènes, deux punks se réveillent, quelque peu comateux, pour faire face à une situation des moins trippantes ; les rues de Paries grouillent de zombies…

Et alors ?  Il m’a fallu quelques pages pour m’installer. Au départ, le style, familier et soigné, est aussi nerveux que les personnages principaux apathiques. Le temps de me raccorder, de découvrir quelques nouveaux énergumènes et je me suis retrouvée à l’aise.

Les deux premières parties m’ont scotchée. Un vent frais et poisseux souffle sur le thème éculé des zombies, avec des touches d’humour et de revendication entre deux dégustations de cervelle. Inviter les zombies à jouer les touristes dévastateurs à Paris pour se rendre compte que les seuls aptes à nous sauver sont des anarchistes pure souche (mais que font Bruce Willis et Jason Statham ??) est une idée de départ qui possède de belles racines.

Et puis franchement les zombies en haut de la Tour Eiffel ou dans les couloirs de France Télévision, c’est quand même la classe. L’humour fonctionne bien, notamment dans les rencontres improbables : le punk coincé dans les locaux du Médef ou une autre avec un illuminé qui se croit être le prochain maitre du monde.

Des petits bémols cependant. Je pense vraiment que le roman aurait gagné à être plus court. (j’ai eu un peu de mal avec les passages sur les hallucinations et les visions des punks, même si je comprends qu’elles soient justifiées pour l’histoire.) Et j’aurais peut-être aimé des personnages secondaires plus nuancés, moins catégorisés ; les patrons et l’armée sont les gros méchants, les anarchistes les éclaireurs, les femmes et les enfants à défendre. C’est sûr il y a du message à faire passer, qu’on va me dire.

En bref : Du hors-norme qui titille le déjà vu. Un roman au ton jeune qui revendique et qui jute quelque peu.

Extraits :

Sur le parvis, autour des quatre pieds de la tour, la scène n’est pas des plus joyeuses. ça a dû se friter sec dans les étages lors des premières heures de la zombiemania. Résultat, un nombre conséquent de corps sont passés par dessus bord, et ce malgré les filets de sécurité qui ont cédé en plusieurs endroits.

L’histoire la moins macabre, et probablement la plus étrange parce qu’elle ne semble inspirée par aucune peur ni menace biblique ou sociétale, est celle de la croisade de l’amour. L’amour… Un mot qu’Eva et Kropotkine n’ont plus entendu depuis de lustres. Enfin, Eva si, mais il sonnait comme une insulte, un ultimatum.

Les larmes noires sur la terre – Sandrine Colette

Les larmes noires sur la terre – Sandrine Collette – 2017

Pourquoi ? Parce que je l’aime bien la Sandrine Collette…. alors je progresse dans la lecture de ses romans, et c’est au tour des Larmes noires sur la terre.

L’histoire : Dans un futur proche, Moe a quitté une île paradisiaque pour la vie parisienne. Sauf qu’elle n’a pas misé sur le bon partenaire ; entichée qu’elle est avec un homme brutal et alcoolique. Elle réussit tout de même à prendre le large, avec son bébé dans les bras… mais c’est pour mieux retomber encore plus bas. Elle est emmenée par les services sociaux pour être logée dans la casse.

Et alors ? Glaçant cette casse où sont parqués tout ce que la société a décrété comme rebut. Une solution pour la sérénité des uns, une voie sans issue pour les mal lotis, qui créent leur micro-société dans cette prison en plein air.

Quand Moe débarque dans la casse et rencontre les cinq femmes qui vont devenir ses protectrices, j’ai eu quelques difficultés à me les représenter, cinq personnages nouveaux, et à mon avis trop vite balayé. Heureusement, la suite du livre donne la parole à ces destins manqués.

J’ai beaucoup aimé le roman, même s’il manque un je ne sais quoi pour le rendre peut-être plus percutant et dérangeant. Je n’adhère pas toujours au voyeurisme et à la surenchère, mais ici, il manque peut-être cette noirceur crasse pour que le roman colle un peu plus à la peau. L’auteure laisse sans doute le lecteur le choix de se représenter ou non l’insoutenable.

Quelques phrases à rallonge viennent caresser le style brut de l’auteure. Sandrine Collette se peaufine… Elle est, à mon avis, à deux doigts de nous délivrer un chef-d’oeuvre.

A bientôt pour une nouvelle lecture.

En bref : Noirceur accessible pour une mise en lumière d’une société qui rejette les gens secourables.

Extraits :

Personne ne lui a demandé de raconter. Passé le premier réflexe, quand les filles ont vu l’effroi sur son visage et les larmes noires dans la terre, elles se sont tues.

[…] est-ce que ce n’est pas ce qu’elles se disent pour tenir les jours de chagrin, les petits jours, elles les appellent, avant que la dureté de l’existence les remette en avant pour de bon, et qu’elles tendent les mains pour se les claquer entre elles comme un salut en retour, je suis là tout va bien.