Laissez entrer le miracle dans votre coeur – Frédéric Soulier

Laissez entrer le miracle dans votre coeur – Frédéric Soulier

Pourquoi ? J’ai toujours voulu faire une apparition, même furtive, dans les écrits d’un auteur. Bon je me suis fait refoulée à de nombreuses reprises. Marc Levy affirmait que j’étais boudinée dans une robe rouge à pois, quant à Maxime Chattam, il m’a certifié que je ne courais pas assez vite pour ma vie et que je ne me parlais pas assez à moi-même quand un tueur sanguinaire voulait ma peau… Heureusement Frédéric Soulier a juste validé ma candidature et le miracle est arrivé…

L’histoire : Le miracle, c’est Joslyn, le fruit supposé d’un viol, doté du jour au lendemain de pouvoirs de super-héros alors qu’il a à peine atteint la majorité. Est-il une nouvelle icône, un imposteur, une menace, celui qu’on attendait ou celui qui pourrait tous nous faire flamber ?

Et alors ? La nouvelle se compose d’articles, de propos rapportés par des gens plus ou moins proches du miracle, des fragments, des impressions des uns et des autres qui servent de socle pour un questionnement plus large.

L’ordre chronologique n’est pas respecté, cela ne nuit en rien à la compréhension et apporte une bonne dynamique à la lecture. Le format de la nouvelle est nickel, et je vous conseille (tout comme l’auteur) de la lire en un, voir deux jours.

Nous restons dans un certain flou quant à la genèse de l’énergumène, puisqu’ici on se préoccupe avant tout de l’impact. La parole est donnée aux adorateurs, aux septiques, aux rescapés et à ceux qui sont passés à côté de leur sauvetage. Le pouvoir du miracle amène le merveilleux ainsi que, emmerdements et réclamations.

Quant au final de la nouvelle, il est évidemment à la hauteur du phénomène.

Allez si je dois donner une seule chose qui m’a dérangée. Le titre. Eh oui j’ai du mal avec les titres de plus de six mots, c’est comme ça.

Je tiens aussi à préciser que je ne défends pas la nouvelle parce que j’y fais une apparition. Je ne me serais pas fendue d’un commentaire aussi long.

En bref : Dans cette nouvelle, l’auteur compile différents points de vue, d’angles de réflexion  : donner au lecteur des pistes sans le pourvoir d’un GPS.

Pour le trouver : https://www.amazon.fr/Laissez-entrer-Miracle-votre-coeur-ebook/dp/B0787BP7HM/ref=la_B00NRCWXOY_1_3?s=books&ie=UTF8&qid=1515853372&sr=1-3

La servante écarlate – Margaret Atwood

La servante écarlate – Margaret Atwood – 1985

Pourquoi ? Je ne vais pas me la jouer originale, mais la sortie de la série et la mise en avant dans les rayons librairie m’ont poussée vers la lecture.

L’histoire : Un partie dominant profite de la fécondité en berne pour grignoter les libertés. Une voie royale pour une nouvelle dictature… Nous suivons la vie de Defred dont l’unique fonction est de louer son ventre pour couver la progéniture de son commandant.

Et alors ? Pas mal, pas mal du tout…. Alors je mets juste en garde les lecteurs quant à la quatrième de couverture qui (encore une fois) peut se révéler trompeuse avec elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté. J’étais aux trois-quarts du livre (pourtant loin d’être ennuyeux) que je n’avais pas vu l’ombre d’une fuite. Le roman n’est pas haletant, c’est une dystopie dans toute sa sombre splendeur, un terreau à réflexion. Notre héroïne presque résignée est coincée dans une prison où les barreaux sont faits d’ennui où tout le temps lui est offert pour penser à sa vie d’avant et comment a t-elle fait pour ne pas voir tout ça arriver ?

Le roman a été écrit en 1985 et nous dépose dans un futur hypothétique aux Etats-Unis où des fanatiques religieux sont aux commandes. Peut-être que comme moi, vous aurez du mal à vous représenter ce futur où on ne trouve aucune trace de la révolution Internet ou encore de notre tendance à l’hyperconnectabilité.  Ici, c’est retour à l’âge de pierre, société archaïque où tout est contrôlé par les Yeux et chaque pas de travers condamné de façon expéditive par pendaison. Je préfère parler de futur parallèle qui met en avant les dangers liberticides qui nous guettent à chaque coin de notre société : l’interprétation sans filtre des textes religieux ou encore la censure à outrance.

J’ai aimé ce livre, j’ai aimé le style de l’auteure que je ne connaissais pas du tout. (Et si certains en ont lu d’autres romans de Magaret Atwood, qu’ils se manifestent !) Deux petites choses ont toutefois rendues ma lecture moins aisée. Les passages au présent sont souvent truffés d’allers-retour vers un passé plus ou moins proche. Quant aux marques de dialogue, elles sont quasiment inexistantes.

Nous retrouvons comme dans 1984 de Georges Orwell cette impossibilité pour les citoyens de communiquer entre eux, de se parler, de se toucher, d’évoquer des sentiments, d’être humain…. Et je ne suis peut-être la seule à avoir ressenti ce rapprochement quand le commandant réclame un vrai baiser qui m’a fait penser au mot que reçoit Winston Smith de la part de  Julia. Un petit bout de papier qui déclare simplement je vous aime et qui résonne comme un acte de rébellion. Parce qu’au final, quoi de mieux pour une dictature que de s’imposer parmi des robots ?

En bref : Un roman de 1985 remis sur le devant de la scène qui interpelle, fait froid dans le dos.

 

Extraits :

Je manque m’étouffer : il a prononcé un mot interdit. Stérile. Un homme stérile, cela n’existe plus, du moins officiellement. Il y a seulement des femmes qui sont fertiles et des femmes improductives, c’est la loi.

[…] le petit tatouage sur ma cheville. Quatre chiffres et un œil, un passeport à l’inverse. Il est censé garantir que je ne pourrai jamais me fondre définitivement dans un autre paysage. Je suis trop importante, trop rare pour cela. Je suis une ressource nationale.

J’admirais ma mère à certains égards […] Elle s’attendait à ce que je fasse l’apologie de sa vie et des choix qu’elle avait faits. Je ne voulais pas vivre sa vie selon ses exigences. Je ne voulais pas être le rejeton modèle, l’incarnation de ses idées. […] Je ne suis pas la justification de ton existence, lui ai-je dit un jour.

Des morts, des vivants – Frédéric Soulier

(5 / 5)

Pourquoi ? Alors au début ce n’était pas gagné que je lise Des morts, des vivants. Sur le groupe de lecture Accro aux livres, je rencontrais un énergumène qui faisait la promotion de ce que je pensais être une énième histoire de zombies. C’est en découvrant sa prose au détour de quelques articles et après avoir lu deux de ces nouvelles, que je me suis lancée dans la lecture….

L’histoire : Nous faisons un saut dans le temps pour nous retrouver dans les ruines de notre monde, ravagé par ce que nos croyances et notre soif de pouvoir font de pire. Les rôles ont changé, l’Europe ciblée par la bombe Beyoncé (oui oui, ici Queen B est radioactive au premier sens du terme.) cherche à fuir, les bombardements, la répression et les morts-vivants.

Et alors ? Assez admirative, puisque l’auteur se sert d’un sujet surexploité (la contamination à grande échelle.) pour te livrer une oeuvre des plus originales. On laisse de côté le trait d’union, ici on parle des morts et des vivants, et surtout de l’âme humaine malmenée face à des situations extrêmes.

Beaucoup de force sont dans le roman. Il y a tout d’abord une résonance avec notre monde d’aujourd’hui… Mis à part les zombies (qui ne sont au final pas le point central de l’histoire.) la vision d’un futur plausible fait froid dans le dos. La religion qui nourrit la guerre qui engendre une barbarie admise. On est à se demander qui est réellement contaminé, les morts qui reviennent à la vie ou ces miliciens qui instaurent de nouvelles lois.

L’autre puissance c’est le style. Pip le narrateur parle une sorte de patois qui mélange différents registres de langues avec quelques mots volontairement déformés (nirlandais, prosquimité, abondasif, .) Certains lecteurs peuvent en être déroutés, d’autres embarqués, comme je l’ai été. Je suis allée au Cratère, dans ce camp de réfugiés, ils fuient la guerre, veulent échapper aux zombies, ils sont rassemblés dans la crasse, au milieu des mouches, confrontés aux maladies (la gale), à la famine et à ce qu’ils considèrent comme le pire …. l’ennui.

En bref : C’est une vision noire, révoltante d’un futur qu’on ne veut pas, une histoire de fuite et de quête d’un monde meilleur. Mais c’est aussi un petit bijou qui malmène la langue française pour en sortir le meilleur. Je recommande tout simplement.

Pour trouver Des morts, des vivants :

https://www.amazon.fr/morts-vivants-Fr%C3%A9d%C3%A9ric-Soulier-ebook/dp/B06XWY3TQ6

Pour les récalcitrants d’Amazon, vous avez plein de moyens de vous procurer du Soulier  https://fredericsoulier.wixsite.com/auteurindependant

Et puis pour vous donner envie : une interview de Pip le Clou, le narrateur du roman :

En tête à tête avec un personnage de roman – Philippe Lacroix personnage de « Des morts des vivants » de Frédéric Soulier

Extraits :

Au Cratère se parlait un drôle de langage, mélange d’argot, d’interjections, d’élision et d’emprunts altérés aux diverses langues parlées par les habitants. C’était un sabir que je vous retranscris pas à l’identique, et dont je me contente de vus faire goûter le sel.

Depuis bientôt six mois, les candidats à l’émigration ne passaient plus en Tunisie qu’en perfusion. Les gardes côtes reconvertis en impitoyable cerbères chassaient sans répit les réfugiés. Conséquence, le camp Agira, enflait, faisait de la rétention.

Mais pour un homme qui a perdu toute sa famille en un instant, le dico se déclare incompétent.

 

La route – Cormac McCarthy

La route McCarthy
La route – Cormac McCarthy – 2008
(4,5 / 5)

Pourquoi ? Parce que prix Pulitzer, fin du monde et cannibales, le mélange semblait bon, alors on fonce !

L’histoire : Nos protagonistes, un père qui s’adapte et son jeune fils n’a connu que ça, subissent l’apocalypse. La pénurie, les menaces, les cannibales peuplent un monde à l’abandon. Bienvenue sur la route.

Et alors ? Thème surexploité, angoisse partagée, pourrait-on parler de déjà vu ? Non parce que McCarthy – sans jeu de mot bien sûr – apporte sa nuance de gris. Le roman se veut un journal de bord de survie, même si l’espoir de jours meilleurs est aussi squelettique que l’homme et son enfant. Nous allons tracer une route triste, parce qu’il y a dans la poussière de leurs pas, la nostalgie du monde passé, une route dangereuse où la seule viande qui reste, est humaine, une route où la faim tiraille parce que l’abondance de nos supermarchés dévastés n’est plus que vide ou pourriture.

Avec des phrases puissantes, une retenue vis à vis de ses personnages, Mc Carthy nous emmène dans un endroit que nous ne voulons pas connaitre.

Et si certains sont alléchés par la présence de cannibales, sachez que McCarthy nous livre avant tout des descriptions lunaires et cendreuses qu’une chasse à l’homme barbare.

En bref : Style pénétrant avec un thème abordable qui laissera comme un goût de poussière à la fin de la lecture.

Extraits : 

Cherchant n’importe quoi qui eût une couleur.

Il se réveilla au bruit d’un lointain grondement de tonnerre et se redressa. L’indécise lumière tout autour, frissonnante et sans origine, réfractée dans dans l’averse de suie à la dérive.

Cette fois, ils mourraient vraiment de faim. le pays avait été pillé, mis à sac, ravagé. Dépouillé de la moindre miette.