Lune de Miel – François Cavanna

Lune de miel – François Cavanna – 2011

Pourquoi ? Recommandé par le barbu, aussi ronchon que bon conseiller celui-là.

L’histoire : François Cavanna, personnage reconnu dans la sphère satirique, nous livre ses souvenirs, alors que Miss Parkinson (comme il aime la surnommer) lui offre une lune de miel, un moment de répit.

Et alors ? Même si François Cavanna se raconte, Lune de miel ne se lit pas vraiment comme une simple autobiographie. C’est davantage  une compilation de souvenirs que l’auteur remodèle avec sa sympathique truculence. Le roman ne respecte pas de chronologie, nous accompagnons Cavanna tantôt dans la crasse de son passage au STO, tantôt dans sa douloureuse liaison avec Miss Parkinson. Il donne aussi la part belle à la bande de joyeux lurons qui a fait Hara Kiri et Charlie Hebdo, mais aussi à la relation atypique qu’il entretient avec Virginie, fidèle lectrice et béquille à la fin de sa vie. Le lecteur valse entre ces trois mondes, entre légèreté, anecdotes, réflexion et constat des plus amers quant au temps qui passe et aux liens amicaux souvent brisés.

Lune de miel… C’est un peu pour ce genre de trouvaille que je traine sur les groupes de lecture. Dénicher ce qui a failli me filer entre les doigts.

En bref : Sans aucun doute un combat pour l’auteur, un plaisir pour le lecteur.

Lunar Park-Bret Easton Ellis

 

Lunar Park – Bret Easton Ellis – 2005
(5 / 5)

Pourquoi ? L’oeuvre d’un sulfureux auteur américain, affublé du titre de meilleur roman pour Lire en 2005, ne pouvait qu’attirer mon attention. Allons-y !

L’histoire : Bret Easton Ellis use de l’autofiction pour se mettre en page. Il se décrit comme dépendant aussi bien à la vie frelatée qu’aux drogues en tous genres, en passant une propension démesurée au sexe. Suite au décès de son père, l’auteur décide néanmoins de se ranger et d’adhérer au schéma idéal avec femme et enfant. Mais ses ambitions de retour à la case normale sont vite mises à mal par les personnages de ses romans et de son passé qui veulent faire voler en éclat la vie idéale dont il rêvait.

Et alors ? Complètement retournée par la première partie. Ellis se caricature à outrance ou plutôt livre le portrait que les gens ont dressé pour lui. Est-il réellement maitre de son image ? La partie autobiographique (arrangée à l’excès) laissera ensuite la place à la fiction ; Bret s’imagine enfin rangé et brode une histoire avec quelques fils de vérité. (Il n’est pas forcément des plus optimistes.) En se mettant en scène, il en profite pour égratigner la société, la façon dont nous survolons les catastrophes dans le monde pour mieux nous plonger dans le futile. Les enfants drogués dès le plus jeune âge pour qu’ils rentrent dans le cadre voulus par leurs parents eux-mêmes accros à ce qu’ils pensent pouvoir les rendre meilleurs. Et avec en toile de fond de sombres histoires de disparition et de meurtres. Bret est-il réellement innocent dans le cauchemar qui commence à prendre forme autour de lui.

Pour lire Lunar Park, il faut adhérer au style de l’auteur, phrases longues, parfois une foule de détails concernant les décors luxueux, ainsi qu’un humour froid dans lequel nous trouvons une mélancolie résignée.

Le lecteur peut-être surpris, car Bret Easton Ellis semble changer de genre en cours de roman, autobiographie, satire de la société pour terminer en ce qui ressemblerait à la fin d’un roman de Stefen King avec une part de fantastique. Déroutant, mais pas dérangeant pour apprécier cet excellent roman, plus complexe qu’il n’y parait.

En bref : si vous n’avez rien contre l’humour noir et blasé, parfois cru, d’un auteur en proie avec la superficialité du monde qui l’entoure, allez-y.

Extraits :

Interférence du jour : il me fallait trouver une phrase pour la promo d’un livre banal et inoffensif, écrit par une connaissance à New-York, encore un roman médiocre et poli (La plainte du millepatte.) qui allait obtenir quelques critiques respectables et puis être oublié à jamais. La phrase que j’ai fini par concevoir était désinvolte et évasive, une suite de mots si vagues qu’elle aurait pu s’appliquer à n’importe quoi : je ne pense pas être tombé sur une oeuvre aussi résolument tournée sur elle-même depuis des années.

La lecture des journaux n’a fait que réveiller ma peur. De nouvelles enquêtes donnaient des statistiques atroces sur à peu près tout. Les preuves apportées suggéraient que nous n’allions pas bien. Les chercheurs en convenaient sinistrement. […] La population était déconcertée et pourtant s’en fichait.

Ecrivain, il m’était plus facile de rêver du scénario le plus enviable que celui qui venait de se dérouler en fait.

Apocalypse bébé – Virginie Despentes

Apocalypse bébé, Virginie Despentes
Apocalypse bébé – Virginie Despentes – 2010
(4,5 / 5)

Mais pourquoi ? Parce que Despentes et prix Renaudot ça sonnait bien, et que ça me faisait marrer de voir l’air de mon mari quand il a vu la sympathique illustration de couverture. Il n’en faut pas plus pour dire on  y va …

L’histoire : Le job de Lucie c’est d’espionner des ados. Presque la planque, jusqu’au jour où sa filature, Valentine, disparait. Lucie doit tout mettre en oeuvre pour la retrouver et elle peut compter sur la Hyène qui avec ses contacts, ses outils, et une façon de faire un brin brutale l’épaulera pour retrouver l’adolescente en fuite.

Et alors ? Première rencontre avec l’écrivain français, et rencontre très réussi. Je ne m’attendais pas à être autant bluffé par son style. Il y l’enquête pour retrouver Valentine, très faible en rebondissements, puisque l’atout du roman n’est pas le suspens, mais plutôt la succession de portraits dressés, peints, on pourrait même dire fignolé par l’écrivain. On se balade dans les rues de Paris et de Barcelone où on partage des tranches de vie qui semblent nous amener petit à petit vers Valentine. Pour lire Despentes, il faut aussi savourer son style, très direct, parfois cru, qui nous livre une photographie pas toujours reluisante de notre société.

En bref : A conseiller pour faire connaissance avec l’écrivain. Il serait dommage de passer à côté.

Extraits : (pour une fois y aura plusieurs.)

La première année, les filatures ne portaient jamais sur des enfants de moins de quinze ans. Aujourd’hui travailler dans le primaire n’est pas pour me surprendre. Le vie des petits appartient aux adultes de ma génération qui ne sont pas prêts à ce que leur jeunesse leur échappe deux fois.

Il se souvient aujourd’hui avec amertume d’un dîner au cours duquel, évoquant les derniers romans qui marchaient, un éditeur en verve les avait fait s’étrangler de rire, prédisant qu’au train où ça allait, un jour les gens liraient des romans de jeunes filles détaillant l’était de leur hémorroïdes.

Il raconte ses tournées et affirme tous les cinq minutes qu’il n’est pas impressionné par ce qui lui arrive, mais il ne parle que de ça. Il prétend qu’il s’en fout de côtoyer des gens connus, mais il n’a que leur nom à la bouche.