Carthage – Joyce Carol Oates

Carthage – Joyce Carol Oates -2014

Pourquoi : Je ne vais pas me répéter, j’ai un faible pour cette auteure, alors quand en  plus le roman est chaudement recommandé par Kitou Lapeyre, on y va !

L’histoire : Cressida, la fille cadette de l’ancien maire est portée disparue. Tout porte à croire que c’est l’ancien fiancé de la soeur ainée qui a trempé plus que les mains dans cette sombre affaire… Oui mais…

Et alors ? Quand on lit le résumé, ‘Un soir de juillet à Carthage, Cressida Mayfield disparait…., on pense se trouver face à un thriller, mais je connais assez la grande dame pour affirmer qu’elle en affectionne les accroches pour accoucher de quelque chose de complètement différent.

Encore une fois, on décortique l’affaire de long en large et bien en travers. Vous voulez de la psychologie, ici on vous sert des portraits justes, détaillés à l’extrême. Comme dans de nombreux écrits de la dame, l’actualité sert de toile de fond. Ici nous sommes aux lendemains des attentats et donc au début de la guerre en Afghanistan et son lot de jeunes hommes partis s’engager pour défendre leur patrie. Le portrait de Brett, héros brisé, défiguré est édifiant.

Carthage est un bon cru, malgré un milieu qui tire vraiment en longueur.

La fin est surprenante, elle m’a bousculée, heurtée dans le sens où je n’étais pas vraiment en accord avec un personnage ; mais Joyce n’est pas là pour vous servir la fin attendue qui conviendra à tous, elle peint des portraits avec leurs failles et parfois leurs choix déroutants.

Les toutes dernières pages sont troublantes.

En bref : Oates observe avec minutie et ausculte les troubles des Etats-Unis.

 

Sans elle – Amélie Antoine Avec elle – Solène Bakowski

Avec elle et Sans elle de Solène Bakowski et Amélie Antoine

Pourquoi ? Le projet d’Amélie Antoine et Solène Bakowski  m’a interpellé. Alors à la base, je trouve ça irréalisable d’écrire à quatre mains, sauf qu’ici c’est différent. Ce sont les mêmes personnages, la même base, mais un infime détail, comme prendre le temps de faire ses lacets ou non, va changer la donne de toute une vie et donner naissance à deux romans distincts.

L’histoire :

Sans elle d’Amélie Antoine : Le soir du 14 juillet, Coline six ans est punie dans sa chambre, alors que sa soeur jumelle Jessica se rend aux feux d’artifice avec sa mère. Tout se passe bien, jusqu’à ce que la petite fasse son lacet, s’en va rejoindre un vendeur à la sauvette et disparait.

Avec elle de Solène Bakowski : Toujours ce même soir, sauf que Jessica ne prend pas le temps de nouer ses lacets et s’étale de tout son long aux pieds d’un homme qui activera le long déclin de la famille Simoëns.

Et alors ?

Sans elle : J’ai aimé le risque pris par Amélie Antoine. Je ne vais pas aller dans la précision au risque de spoiler, mais disons que l’auteure ne prend pas la trajectoire toute tracée qu’on attend dans ce genre de roman. Nous ne sommes pas dans un thriller glaçant avec des indices placés au compte goutte pour nous livrer la clé de l’énigme après avoir subi une série rebondissements. Non. Ici, le rythme n’est pas soutenu, même si des questionnements et l’envie d’en savoir davantage m’ont toujours poussée à tourner les pages. Dans le roman Sans elle, nous sommes surtout avec eux ; aux côté des parents, de la soeur, de la famille, de l’angoisse, des indices retenus puis disqualifiés, des fausses pistes, des espoirs écrasés et surtout l’attente et les questions qui finissent par faire croupir cette famille amputée.

Cet événement terrible ouvre les portes à la police bien sûr, mais pas que. La famille se retrouve continuellement perquisitionnée par les regards des autres dans sa propre intimité et dans son impossible reconstruction.

Le final interroge, frustre peut-être, mais sublime l’intention de l’auteure.

Alors mon seul bémol, un avis personnel qui n’engage que moi, c’est que j’aurais peut-être aimé un style moins lisse, peut-être plus rocailleux.

Avec elle :

J’ai choisi de lire le roman de Solène Bakowski après celui d’Amélie Antoine. Je me doutais que Sans elle allait être pesant parce qu’il traite de la disparition d’une enfant. Avec elle ne nous apporte pas non plus une bouffée d’oxygène… Il traite avant tout de la relation entre les jumelles Coline et Jessica face à l’étiolement de l’amour de leur parent, de la concurrence qui finit par naitre entre elles et d’un secret qui les lie autant qu’il les envenime. On se doute bien que ça va mal finir, mais nous n’allons pas directement droit dans le mur, on descend doucement vers la catastrophe en prenant quelques détours qui nous font croire que tout pourrait être sauvé.

Je pense que chaque lecteur en fonction de son ordre de lecture va porter un regard différent. Je ne vous cache pas qu’ici, j’ai eu une sacrée envie d’ouvrir les yeux de Patricia qui s’accapare de nouveaux problèmes, alors que Jessica est à ses côtés.

J’aurais juste aimé retrouver davantage la poésie sombre de Solène Bakowski, présente évidemment dans le roman, mais peut-être plus en retrait que dans son roman Un sac.

En bref : Une bonne idée de départ, développée avec soin par deux auteures qui aiment entretenir la connivence avec leurs lecteurs pour mieux les plonger dans le noir.

 

Apocalypse bébé – Virginie Despentes

Apocalypse bébé, Virginie Despentes
Apocalypse bébé – Virginie Despentes – 2010
(4,5 / 5)

Mais pourquoi ? Parce que Despentes et prix Renaudot ça sonnait bien, et que ça me faisait marrer de voir l’air de mon mari quand il a vu la sympathique illustration de couverture. Il n’en faut pas plus pour dire on  y va …

L’histoire : Le job de Lucie c’est d’espionner des ados. Presque la planque, jusqu’au jour où sa filature, Valentine, disparait. Lucie doit tout mettre en oeuvre pour la retrouver et elle peut compter sur la Hyène qui avec ses contacts, ses outils, et une façon de faire un brin brutale l’épaulera pour retrouver l’adolescente en fuite.

Et alors ? Première rencontre avec l’écrivain français, et rencontre très réussi. Je ne m’attendais pas à être autant bluffé par son style. Il y l’enquête pour retrouver Valentine, très faible en rebondissements, puisque l’atout du roman n’est pas le suspens, mais plutôt la succession de portraits dressés, peints, on pourrait même dire fignolé par l’écrivain. On se balade dans les rues de Paris et de Barcelone où on partage des tranches de vie qui semblent nous amener petit à petit vers Valentine. Pour lire Despentes, il faut aussi savourer son style, très direct, parfois cru, qui nous livre une photographie pas toujours reluisante de notre société.

En bref : A conseiller pour faire connaissance avec l’écrivain. Il serait dommage de passer à côté.

Extraits : (pour une fois y aura plusieurs.)

La première année, les filatures ne portaient jamais sur des enfants de moins de quinze ans. Aujourd’hui travailler dans le primaire n’est pas pour me surprendre. Le vie des petits appartient aux adultes de ma génération qui ne sont pas prêts à ce que leur jeunesse leur échappe deux fois.

Il se souvient aujourd’hui avec amertume d’un dîner au cours duquel, évoquant les derniers romans qui marchaient, un éditeur en verve les avait fait s’étrangler de rire, prédisant qu’au train où ça allait, un jour les gens liraient des romans de jeunes filles détaillant l’était de leur hémorroïdes.

Il raconte ses tournées et affirme tous les cinq minutes qu’il n’est pas impressionné par ce qui lui arrive, mais il ne parle que de ça. Il prétend qu’il s’en fout de côtoyer des gens connus, mais il n’a que leur nom à la bouche.