Petit oiseau du ciel- Joyce Carol Oates

Petit oiseau du ciel – Joyce Carol Oates – 2012

Pourquoi ? C’est l’un de mes préféré de Joyce Carol Oates, je l’ai ressorti de la bibliothèque, parce que j’avais envie de me loger à nouveau dans cette histoire, noire et fascinante.

L’histoire : C’est l’histoire d’une relation ambiguë, celle que tissent malgré eux Krista Dielh et Aaron Kruller. Ce qui les rapproche ? Leur père respectif, l’un l’amant et l’autre le mari de Zoé Kruller. Zoé c’est ce petit oiseau du ciel,  une jeune femme charmante, vendeuse de glace et chanteuse de groupe de country, mais c’est surtout une femme populaire- dans un périmètre assez restreint – qui a été retrouvée assassinée…. Les deux principaux suspects, je vous le donne en mille…. Eddy Dielh et Delray Kruller.

Et alors ? Du grand Oates, du détail à gogo, on décortique l’histoire jusqu’à la moelle. C’est un roman d’ambiance qui prend tout son temps, on s’invite dans la tête de personnage, dans leur vie, leur habitude, on a même l’impression de respirer leur haleine.

Rendez-vous donc dans la région des Adirondacks (que l’auteure exploitera à nouveau dans Mudwoman.) où évoluent dans le même groupe scolaire Krista et Aaron. Quelques années d’écart certes, mais les deux jeunes adolescents s’observent de loin, rattachés par ce qui les obligent à rester éloignés. Ils font  face  à l’onde de choc -l’assassinat de Zoé Kruller – chacun à leur manière.  La recherche d’un coupable qui tâche salement la famille Kruller (qui habite une réserve indienne.) et la famille Diehl (qui était pourtant promue à un destin sans vague.) Le meurtre de Zoé est raconté de deux points de vue différents, éclairés différemment. Krista et Aaron sont persuadés de l’innocence de leur père, mais cela ne les empêche de cultiver une fascination étrange l’un pour l’autre.

La lecture n’est pas forcément aisée, la chronologie n’est pas respectée, l’auteure peint ses personnages et se penche sur différentes parties du tableau, s’attardant sur certains éléments, puis sautillant sur un autre à sa guise. Il y a des phrases longues, des détails accumulés, parfois même répétés. Ce style irritera certains, personnellement,  je m’installe.

Quant au final, même s’il s’est dessiné dans mon esprit au fil des pages, il ne laisse pas de marbre.

En bref : Une plongée dans ce que j’appelle un vraie roman psychologique.

Extraits :

Le cendrier était plein de mégots, l’air puait la fumée de cigarette et le tabac froid, une odeur qui n’allait pas non plus dans cette maison. le visage de ma mère était brillant et bouffi, un rouge à lèvres fraichement appliqué luisait sur ses lèvres; comme si elle attendait de la visite ou que des visiteurs soient venus et repartis, ce qui aurait expliqué les assiettes dans l’évier, les mégots fumants dans le cendrier et cette atmosphère de malaise fiévreux qui vous tordait l’estomac.

Ma fascination pour la maison délabrée où Zoé Kruller était morte était aussi une fascination pour un endroit – interdit, jamais mentionné en famille – où mon père s’était rendu, comme il l’avait reconnu tardivement et à contre coeur.

Petite soeur mon amour – Joyce Carol Oates

Petite Soeur mon amour – Joyce Carol Oates – 2008
(4,5 / 5)

Pourquoi ? Parce que Joyce Carol Oates qui tricote minutieusement autour d’un sordide fait divers ne pouvait qu’attirer mon attention. Et c’est parti !

L’histoire : Une trop jeune princesse de la glace se fait assassiner. L’enquête patine (désolée pour le jeu de mot) et les tabloïds glissent sur l’affaire pour vendre. Une terrible occasion pour l’écrivain américain de salir tout ce petit monde qui gravite autour de notre jeune victime : parents, organisateurs de concours, médias, tous ces adultes qui exploitent les enfants pour briller par procuration…

Et alors ? Une histoire qui ne nous laisse pas de glace (je vous promets c’est le dernier jeu de mots) Plus sérieusement, avant de s’attaquer à ce pavé, il convient de parler de ce fait divers qui a servi de petite graine pour l’imagination fertile de Madame Oates. En 1996 une mini miss  est retrouvée morte, ligotée et violentée dans la cave de la maison familiale. L’affaire ne sera jamais résolue. Oates s’empare de ce point de départ pour nous donner sa version à elle. Dérangeant évidemment, puisque l’auteur nous offre une fin à une affaire non résolue ! Mais cette histoire, dont les racine proviennent de faits réels et qui sont par la suite trafiqués, rafistolés, agencés pour faire nous livrer une oeuvre militante et terriblement cynique.

C’est par le regard de Slyler, le frère ainé, que nous est servi l’anatomie du drame. Ses pensées sont parfois hachées, répétitives. Certains chapitres se résument à une phrase, une pensée, une remarque. Il y a de nombreuses phrases longues, décousues, avec un recours à l’annotation pour nous abreuver de détails. La ponctuation est quant à elle largement utilisée, sous toutes ses formes. Une parfaite illustration de l’esprit dérangé du narrateur qui parfois s’embrouille et s’en excuse. Est-il lui même au courant de tout ? Est-il bien conscient de tout ? Il regarde de loin ces adultes qui cherchent leur propre gloire au travers de leurs enfants.

En bref : Oeuvre glaçante sur les enfants star, miroir inconscient des rêves d’adultes.

Extraits :

Au lieu de la vilaine et quelconque Edna Louise, ce fut Bliss, belle et transfigurée, qui fit ses début dans le patinage, âgée de quatre ans, à la patinoire Meadowlands par un soir de neige et de vent, le jour de la Saint Valentin 1994. Maman pleura de reconnaissance quand les responsables de bouts de chou acceptèrent de procéder à un changement de nom de dernière minute moyennant une simple amende de cinquante dollars.

Ce matin-là, sachant apparemment qu’il ne se retournerait jamais dans l’école privée ‘prestigieuse’ ‘fermée ‘ où Skyler avait -enfin !-  acquis la réputation d’être, sinon ‘normal’ du moins pas incurablement ‘bizarre’ : car l’éclat de la célébrité de sa soeur projetait sur lui une lueur lunaire flatteuse, et il était devenu courant que les filles les plus populaires de l’école […] l’abordent pour lui poser des questions passionnées sur Bliss. Sans parler de l’éclat additionnel de la distinction HPI, qu’il allait perdre à jamais.