L’ombre du vent – Carlos Ruiz Zafon

L’ombre du vent – Carlos Ruiz Zafron – 2001
(3 / 5)

Pourquoi ? Parce qu’il faut vider la bibliothèque des beaux-parents, et que ce roman promet du bon… Allons y !

L’histoire : Barcelone, après la guerre civile espagnole, un jeune garçon est emmené par son père dans une bibliothèque : le cimetière des livres oubliés. Notre Daniel pioche un roman, et découvrira un texte qui le fera vibrer, si bien qu’il partira en quête de Julian Carax ; un auteur au destin tragique.

Et alors ? Et bien je vais avoir beaucoup de mal à donner mon avis, puisque l’épaisseur m’a fait traversé plusieurs émotions : début remarquable, une juste alternance entre action, dialogue, description, le tout servi avec une jolie plume. Notre héros, tourmenté et sublimé par la lecture d’un roman promis aux oubliettes a décidé de mener son enquête pour retracer l’histoire de l’auteur. Il rencontre des fans de la première heure qui cultivent l’adoration autour de l’écrivain, surtout qu’une terrible malédiction guette ses oeuvres ; la majorité des ouvrages ont été brûlés lors d’un mystérieux incendie. Un soupçon de fantastique dans une histoire qui prend racine en pleine guerre civile espagnole : j’étais conquise !

Mais sans prévenir, ça devient lourd à digérer. On quitte l’ambiance qui me semblait un peu poussiéreuse, sympathiquement mystérieuse pour laisser place à la recherche de l’auteur mort et enterré. Vous allez me dire que c’est la trame du livre. Oui mais voilà. Le destin de Julian Carax est gentiment tissé au travers de témoignages des différents personnes qui l’ont connu. Et c’est là que j’ai un peu lâché l’affaire, un peu déroutée par la chance indicible de nos protagonistes de dénicher des témoins disponibles, bavards, avec une mémoire sans faille. Une fois ça passe, deux fois ça lasse, et au bout du troisième…

Deuxième petit souci, des personnages dont on aurait pu se passer. Le grand méchant qui est là … pour faire le grand méchant, et un compagnon de route, présent pour détendre l’atmosphère, mais qui au final l’alourdit. Mon intérêt pour le livre est revenu dès qu’ils ont quitté la scène.

Le final ne m’a pas déplu, mais j’ai eu l’impression de l’avoir survolé.

En bref : Une lecture plaisante qui aurait gagner à être plus courte, à se délester de certains codes qui ne lui étaient pas nécessaires.

Extraits :

Il prit vite la manie de dessiner des anges avec des dents de loup et inventait des histoires d’esprits cagoulés qui sortaient des murs pour manger les idées des gens pendant leur sommeil. Avec le temps, le chapelier perdit tout espoir de conduire ce garçon dans le droit chemin. L’enfant n’était pas un Fortuny et ne le serait jamais.

M Valls, convaincu que les femmes étaient incapable de composer autre chose que des chaussettes tricotées et des courtepointes crochetées, voyaient néanmoins d’un bon oeil que sa fille sache se débrouiller au piano, car projetant de lui faire épouser un héritier titré, il savait que les gens raffinés aimaient qu’à la docilité et la fertilité de leur jeunesse en fleur, les demoiselles à marier ajoutent un ou deux talents pour leur art d’agréments.

Petite soeur mon amour – Joyce Carol Oates

Petite Soeur mon amour – Joyce Carol Oates – 2008
(4,5 / 5)

Pourquoi ? Parce que Joyce Carol Oates qui tricote minutieusement autour d’un sordide fait divers ne pouvait qu’attirer mon attention. Et c’est parti !

L’histoire : Une trop jeune princesse de la glace se fait assassiner. L’enquête patine (désolée pour le jeu de mot) et les tabloïds glissent sur l’affaire pour vendre. Une terrible occasion pour l’écrivain américain de salir tout ce petit monde qui gravite autour de notre jeune victime : parents, organisateurs de concours, médias, tous ces adultes qui exploitent les enfants pour briller par procuration…

Et alors ? Une histoire qui ne nous laisse pas de glace (je vous promets c’est le dernier jeu de mots) Plus sérieusement, avant de s’attaquer à ce pavé, il convient de parler de ce fait divers qui a servi de petite graine pour l’imagination fertile de Madame Oates. En 1996 une mini miss  est retrouvée morte, ligotée et violentée dans la cave de la maison familiale. L’affaire ne sera jamais résolue. Oates s’empare de ce point de départ pour nous donner sa version à elle. Dérangeant évidemment, puisque l’auteur nous offre une fin à une affaire non résolue ! Mais cette histoire, dont les racine proviennent de faits réels et qui sont par la suite trafiqués, rafistolés, agencés pour faire nous livrer une oeuvre militante et terriblement cynique.

C’est par le regard de Slyler, le frère ainé, que nous est servi l’anatomie du drame. Ses pensées sont parfois hachées, répétitives. Certains chapitres se résument à une phrase, une pensée, une remarque. Il y a de nombreuses phrases longues, décousues, avec un recours à l’annotation pour nous abreuver de détails. La ponctuation est quant à elle largement utilisée, sous toutes ses formes. Une parfaite illustration de l’esprit dérangé du narrateur qui parfois s’embrouille et s’en excuse. Est-il lui même au courant de tout ? Est-il bien conscient de tout ? Il regarde de loin ces adultes qui cherchent leur propre gloire au travers de leurs enfants.

En bref : Oeuvre glaçante sur les enfants star, miroir inconscient des rêves d’adultes.

Extraits :

Au lieu de la vilaine et quelconque Edna Louise, ce fut Bliss, belle et transfigurée, qui fit ses début dans le patinage, âgée de quatre ans, à la patinoire Meadowlands par un soir de neige et de vent, le jour de la Saint Valentin 1994. Maman pleura de reconnaissance quand les responsables de bouts de chou acceptèrent de procéder à un changement de nom de dernière minute moyennant une simple amende de cinquante dollars.

Ce matin-là, sachant apparemment qu’il ne se retournerait jamais dans l’école privée ‘prestigieuse’ ‘fermée ‘ où Skyler avait -enfin !-  acquis la réputation d’être, sinon ‘normal’ du moins pas incurablement ‘bizarre’ : car l’éclat de la célébrité de sa soeur projetait sur lui une lueur lunaire flatteuse, et il était devenu courant que les filles les plus populaires de l’école […] l’abordent pour lui poser des questions passionnées sur Bliss. Sans parler de l’éclat additionnel de la distinction HPI, qu’il allait perdre à jamais.

Les chutes – Joyce Carol Oates

Les Chutes, Joyce Carol oates
Les chutes – Joyce Carol Oates – 2004
(4 / 5)

Pourquoi ? Parce que Joyce Carol Oates, parce que prix Fémina étranger, et qu’on me promet que c’est un bon cru, alors on y va !

L’histoire : Le mari d’Ariah décide judicieusement de se laisser engloutir par la fureur des chutes du Niagara le lendemain de leur nuit de noces. Cette tragédie apporte à notre jeune veuve une étrange popularité. Elle devient la veuve blanche qui retrouvera un peu trop joyeusement l’amour dans les bras d’un brillant et séduisant avocat. Je n’en dis pas plus…

Et alors  ? Amateur de madame Oates, vous pouvez absolument vous jeter dedans. Il faut aimer le rythme de l’écrivain, lent, un tourbillon de détails, des personnages, même secondaires décortiqués de façon quasi chirurgicale. Il faut aussi accepter d’opérer quelques virages dans la lecture ; quitter un personnage pour s’attarder sur un autre, rester dans la même cellule familiale, mais en ayant accès à une nouvelle version. C’est l’histoire d’une vie, c’est linéaire, et le scénario prend des détours que nous lecteurs nous n’avions pas prévu.

En bref : Si vous aimez prendre votre temps, rentrer entièrement dans une ambiance, un décor, et se laisser en quelque sorte dérouté, allez y.

Extrait : 

Ils se marièrent et habitèrent le 7, Luna Park, la maison de Dirk Burnaby, où il apparut peu à peu à Ariah que d’autres femmes lui avaient rendu visite de temps à autres, sans toutefois y demeurer. Elle le sut parce que des voisines s’en chargèrent de le lui apprendre.