Un paquebot dans les arbres – Valentine Goby

Un paquebot dans les arbres – Valentine Goby – 2016
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Pourquoi ? : Parce que je suis toujours obligée de piquer les cadeaux que j’offre à ma mère. Puis lecture conseillée par la Lison, je dis on lit !

L’histoire : La tuberculose, la maladie et la méfiance qu’elle engendre, va bouleverser la vie d’une famille dans les années 50. Alors que la population croit au meilleur avec la fin de la guerre, la création d’une sécurité sociale et la période des Trente glorieuses qui se profile, la famille Blanc se retrouvera dépossédée, démembrée, car n’ayant jamais cotisé.

Et alors ? Ecriture brillante. Le genre de livre qui nous donne envie de noter la poésie percutante déversée tout au long des 250 pages. Roman court donc, mais qui fait son poids. Rapidement dans l’histoire nous subissons le désespoir d’une famille qui occupait le premier plan du village, et se retrouve mise à l’écart par crainte de contagion. La tuberculose, la peste blanche.

Malgré un style qui m’a bluffé pour la première partie, j’ai trouvé que par la suite, les jolies phrases prenaient trop de place, distillées en continu, le dernier tiers m’a un peu lassé. Pas vraiment d’action, peu de dialogue, on dirait davantage une succession de tableaux. Certains pourraient se sentir extérieur aux personnages, même si on ne peut rien reprocher aux qualités d’écriture de Valentine Goby

Quant à la couverture, elle est trompeuse. On pense que l’histoire offre des notes de joies, d’espoir, mais il s’agit avant tout de la lutte terrible d’une jeune fille qui veut réunir sa famille et gagner sa liberté. Or ses deux souhaits se combattent, puisque pour réaliser l’un il faut détruire l’autre.

En bref : Pour les amoureux de jolies phrases qui n’ont pas peur de la tristesse.

Extraits :

Le chuchotement trahit le secret, tous les enfants le savent. […] si le mot est prononcé du bout des lèvres, c’est qu’il ne faut pas le répandre. Elle a raison sans le savoir, la petite, le bacille doit être contenu ; qui sait si Odile ne dit pas le mot tout bas pour réduire son pouvoir de nuisance.

C’est un homme comme ça, honnête jusqu’au tréfonds. mais elle ne peut pas croire, voyant son visage rond, ses grosses mains aux ongles propres, le généreux gâteau aux pommes sous cloche à fromage, qu’il préfère l’honnêteté au malheur.

Le ventre d’Annie. Il la tient à distance de toute contrainte autre que lui, arme, armure, frontière, rempart, abri. Annie est intouchable car elle va être mère. Son ventre est une permission de supplémentaire contre laquelle tout reproche se fracasse. La grossesse est une île.

Invisible sous la lumière – Carrie Snyder

invisible sous la lumière, Carrie Snyder
Invisible sous la lumière – Carrie Snyder – 2016
(3,5 / 5)

Pourquoi ? Parce que pour récompenser ma fidélité chez mes sympathiques libraires de la Lison, je reçois un livre. Alors allons y.

L’histoire : Une centenaire se fait gentiment kidnappée par des soi disants journalistes. L’occasion pour elle de faire des allers-retours dans ses souvenirs et nous livrer l’histoire de sa vie ; une femme qui court dans les années 1920.

Et alors : Style agréable, portrait qui attire ; on se demande même si Aganetha Smart a bel et bien existé. De nombreux thèmes balayés qui rendent la lecture attractive : la guerre en toile de fond, le droit des femmes et leur légitimité dans le monde du sport, l’avortement. Ma lecture a toutefois été inégale, avec des passages qui j’ai dévorés, d’autres qui favorisaient mon détachement. Peut-être que le point noir du livre, ce sont les multiples allers retours dans le temps, parfois désordonnés, qui même s’ils ne nuisent pas à la compréhension, la rendent moins aisée. Pourtant, je suis plutôt adepte de cette façon de faire qui permettent de tenir en haleine, mais ici la linéarité m’a manquée. Les personnages sont nombreux, alors des bonds dans un sens comme dans l’autre, on s’embrouille facilement.

En bref : Si vous aimez les portraits de femmes, avec un côté historique.

Extrait : 

Je cours, je cours, je cours jusqu’à perdre le compte des tours, jusqu’à ce que la lourde tresse qui bat mon dos soit trempée, imbibée de sueur. Les os de mes hanches, de mes genoux et de mes chevilles me font mal à chaque pas dans la terre molle et l’herbe tendre ; mes halètements me déchirent la gorge, si bruyants qu’ils finissent par alerter mon père.

Les chutes – Joyce Carol Oates

Les Chutes, Joyce Carol oates
Les chutes – Joyce Carol Oates – 2004
(4 / 5)

Pourquoi ? Parce que Joyce Carol Oates, parce que prix Fémina étranger, et qu’on me promet que c’est un bon cru, alors on y va !

L’histoire : Le mari d’Ariah décide judicieusement de se laisser engloutir par la fureur des chutes du Niagara le lendemain de leur nuit de noces. Cette tragédie apporte à notre jeune veuve une étrange popularité. Elle devient la veuve blanche qui retrouvera un peu trop joyeusement l’amour dans les bras d’un brillant et séduisant avocat. Je n’en dis pas plus…

Et alors  ? Amateur de madame Oates, vous pouvez absolument vous jeter dedans. Il faut aimer le rythme de l’écrivain, lent, un tourbillon de détails, des personnages, même secondaires décortiqués de façon quasi chirurgicale. Il faut aussi accepter d’opérer quelques virages dans la lecture ; quitter un personnage pour s’attarder sur un autre, rester dans la même cellule familiale, mais en ayant accès à une nouvelle version. C’est l’histoire d’une vie, c’est linéaire, et le scénario prend des détours que nous lecteurs nous n’avions pas prévu.

En bref : Si vous aimez prendre votre temps, rentrer entièrement dans une ambiance, un décor, et se laisser en quelque sorte dérouté, allez y.

Extrait : 

Ils se marièrent et habitèrent le 7, Luna Park, la maison de Dirk Burnaby, où il apparut peu à peu à Ariah que d’autres femmes lui avaient rendu visite de temps à autres, sans toutefois y demeurer. Elle le sut parce que des voisines s’en chargèrent de le lui apprendre.