Celle que vous croyez – Camille Laurens

Celle que vous croyez – Camille Laurens – 2018

Pourquoi ? Mis en avant par une lectrice belge qui m’avait recommandé le percutant Débâcle de Liz Spit. Allons-y !

L’histoire : Suite à son récent divorce, Claire se retrouve à nouveau sur le terrain de la séduction. Mais la voilà reléguée aux articles à date de péremption proche ! Dans le camp féminin, n’y a t-il donc que la jeunesse qui prime ?

Et alors ? Le livre débute comme une indignation, un procès contre cette société qui décide, une fois la femme positionnée dans la mauvaise tranche d’âge, qu’elle doit laisser sa place à la jeunesse. Je citerai l’une des phrases fortes Les hommes murissent, les femmes vieillissent. L’homme peut jouer les immortels entouré de jeunes femmes, le contraire est moqué.

Bon, j’avoue avoir craint deux choses dans les premières pages. La première, c’est que la colère et le féminisme de l’auteure tiennent les rennes du roman. Alors même si je partage son point de vue, je n’avais pas envie d’être convaincue, ni dépitée en calculant combien de temps il me restait avant mon déclin. La deuxième était le jeu dangereux du roman  qui, dans l’air du temps, bâtit une histoire autour des réseaux sociaux. Rencontrer dans la première partie un jeu de séduction via messenger ne me fait pas rêver. Et j’avoue que le genre de mâle que tente de séduire la narratrice -séduisant artiste qui patiente gentiment dans son domaine aux basques, aux crochets des autres  – me donne envie de leur foutre deux claques.

Même si j’étais circonspecte, la suite se rattrape, se complexifie. Un intéressant jeu de miroirs qui floute la réalité, échange les rôles, réussit à se faire croiser des chemins parallèles (en mathématiques, ce n’est pas possible, en littérature si !). Moins de colère, davantage de réflexion, le coeur du roman m’a plu.

Il y a du suspens certes dans Celle que vous croyez. Ne vous attendez cependant pas un thriller. Point de cadavre, juste des victimes de l’envie de plaire, toujours.

En bref : Un roman aux airs d’auto fiction, une ronde autour des relations virtuelles/réelles.

Le rêve dévoré – Jo Rouxinol

Le rêve dévoré – Jo Rouxinol – 2018

Pourquoi ? Parce que le roman m’a été ‘vendu’ des étoiles plein les yeux par quelqu’un qui se reconnaitra.

L’histoire : Clarisse est une ado, un cas à problèmes, qui chahute la vie de ses professeurs et de ses parents. Elle répond à l’incompréhension des adultes qui l’entourent par la violence. Son seul refuge, une relation virtuelle avec un certain Sergio…

Et alors ?

Ce n’est pas un livre à suspens, et pourtant il y a du rythme. Quelques flash back annoncent la cicatrice de Clarisse, celle qui suinte quand elle ne peut plus réprimer sa fureur.

Ce n’est pas non plus une romance, et pourtant de l’amour, de la déraison il y en a. Avec, je trouve, un risque, un contre courant pris par l’auteure que je salue.

Ce n’est pas non plus un road trip. Même si on voyage et que le Portugal s’inscrira dans vos envies d’évasion.

Le rêve dévoré ne rentrera pas dans une case, mais sautera à pieds joints dans plusieurs.

J’ai retrouvé la plume confortable de Jo, entre douceur et mots qui frappent. Ici encore, elle utilise la narration à la première personne, comme elle l’avait fait pour Le carnaval des illusions. On est dans la tête de Clarisse, ses réactions imprévisibles, tranchées, brutales.

J’ai simplement trouvé que les deux personnages principaux mettaient du temps à percer leur bulle paradisiaque. C’est juste un détail, et leur destin fissuré explique sans doute la distance qu’ils mettent avec le monde des adultes.

En bref : C’est l’histoire d’une parenthèse enchantée, rongée par la réalité. Elégant et brutal.

Extraits : 

Ma vie se résume à ça, des adultes qui parlent de moi, qui veulent me faire entendre raison, me pousser dans les rangs […] c’est bien, on ne te distingue presque plus au milieu de la foule, bravo ma fille, dissous-toi, dilue-toi.

La Baixa est un quartier relativement récent, comme le montre son tracé géométrique qui résulte d’une volonté délibérée, toute politique, plutôt que d’une histoire séculaire.

Je refusais tout passage à l’écrit. Noircir des pages me coûtait, tracer des lettres était une tâche laborieuse, fastidieuse et surtout parfaitement inutile.

A(i)mer – Odehia Nadaco

A(i)mer Odehia Nadaco 2018

Pourquoi ? Parce que j’avais goûté à  Knysna et dans mon retour, je regrettais de rester sur ma faim. Selon moi, le personnage principal Hilton méritait un passé plus étoffé. Il y a quelques semaines sortait A(i)mer préquel de Knysna…. Je me devais donc de connaitre comment l’auteure avait continué d’enrober son personnage…

L’histoire : Un matin, Hilton est réveillé par les fantômes du passé, bien trop menaçants et musclés pour passer au travers. Son meilleur ami se retrouve alors en danger de mort, les souvenirs en profitent pour refaire surface avec violence. Avec ce sacré lot d’emmerdes se profile l’inévitable confrontation avec la famille d’Hilton, qui vous le comprenez, n’est pas forcément la meilleure alliée pour une vie sereine.

Et alors ? C’est un roman troublant. Une histoire qui ne délivre pas tout, à la différence de quelques scènes brutales qui ne vous épargne aucun détail.

A(i)mer, c’est la vie d’un marginal dans l’âme  qui paie au prix fort son indépendance ; il avait tout pour se dorer la pilule au soleil, mais Hilton préfère rester à l’ombre de la fortune familiale… Hilton, justement, à l’image du roman, il n’est pas formaté pour plaire au plus grand nombre. A(i)mer n’amène pas le lecteur là où il pense aller. On croit dans les premières pages se retrouver plongé dans un thriller, avec ce sévère coup de poing dans le premier tiers. Je m’attendais à une suite déchainée … Non. Même si le reste du roman donne la part belle à quelques scènes d’actions nerveuses, sont largement décrits ces souvenirs toxiques, drapés d’une ambiance parfois comateuse quand il s’agit de traiter de la dépendance d’Hilton aux médocs et aux drogues. Et cette histoire d’amour qui s’entremêle…

Odehia Nadaco a ce talent de balayer des genres différents tout en évitant les clichés, les phrases toutes faites.

Le passage qui m’a le plus touchée est celui qui amène la violente finalité du roman. Il s’agit du regard jeté par un ancien camarade de classe à Hilton. Comprendront ceux qui l’ont lu.

Le petit défaut pour moi, c’est ce passé, présent entrecroisés auxquels il faut parfois un léger effort pour se raccrocher. En même temps, je pense pas que l’intention de l’auteure soit de délivrer du tout cuit. J’aurais aussi aimé passer un peu plus de temps au Château, que cet endroit prenne encore davantage de place encore dans l’histoire …

En bref : Noir et brutal, un roman qui ne répond pas aux codes, tout en les respectant.

Extraits :

La nuit arriva vite et le froid l’avait rapidement gagné. Quelques frissons d’abord, de ceux qui accompagnent un changement brusque de température, puis le froid pénétrant, celui qui glace jusqu’aux os. Des chaussettes. Si on lui avait demandé ce qu’il voulait à ce moment précis, seule sa paire de chaussettes lui serait venue à l’esprit.

Ce soir, les filles nous proposent de nous emmener au Château. Nous voilà ainsi partis pour passer à l’abri des regards, dans cette maison bourgeoise qui a bien l’aspect d’un château, avec ses espèces de tourelles, son parc arboré, derrière lequel elle se cache aux yeux de tous.

Il explosa intérieurement, retint gonds, serrures et portes complètes.

 

 

Petit oiseau du ciel- Joyce Carol Oates

Petit oiseau du ciel – Joyce Carol Oates – 2012

Pourquoi ? C’est l’un de mes préféré de Joyce Carol Oates, je l’ai ressorti de la bibliothèque, parce que j’avais envie de me loger à nouveau dans cette histoire, noire et fascinante.

L’histoire : C’est l’histoire d’une relation ambiguë, celle que tissent malgré eux Krista Dielh et Aaron Kruller. Ce qui les rapproche ? Leur père respectif, l’un l’amant et l’autre le mari de Zoé Kruller. Zoé c’est ce petit oiseau du ciel,  une jeune femme charmante, vendeuse de glace et chanteuse de groupe de country, mais c’est surtout une femme populaire- dans un périmètre assez restreint – qui a été retrouvée assassinée…. Les deux principaux suspects, je vous le donne en mille…. Eddy Dielh et Delray Kruller.

Et alors ? Du grand Oates, du détail à gogo, on décortique l’histoire jusqu’à la moelle. C’est un roman d’ambiance qui prend tout son temps, on s’invite dans la tête de personnage, dans leur vie, leur habitude, on a même l’impression de respirer leur haleine.

Rendez-vous donc dans la région des Adirondacks (que l’auteure exploitera à nouveau dans Mudwoman.) où évoluent dans le même groupe scolaire Krista et Aaron. Quelques années d’écart certes, mais les deux jeunes adolescents s’observent de loin, rattachés par ce qui les obligent à rester éloignés. Ils font  face  à l’onde de choc -l’assassinat de Zoé Kruller – chacun à leur manière.  La recherche d’un coupable qui tâche salement la famille Kruller (qui habite une réserve indienne.) et la famille Diehl (qui était pourtant promue à un destin sans vague.) Le meurtre de Zoé est raconté de deux points de vue différents, éclairés différemment. Krista et Aaron sont persuadés de l’innocence de leur père, mais cela ne les empêche de cultiver une fascination étrange l’un pour l’autre.

La lecture n’est pas forcément aisée, la chronologie n’est pas respectée, l’auteure peint ses personnages et se penche sur différentes parties du tableau, s’attardant sur certains éléments, puis sautillant sur un autre à sa guise. Il y a des phrases longues, des détails accumulés, parfois même répétés. Ce style irritera certains, personnellement,  je m’installe.

Quant au final, même s’il s’est dessiné dans mon esprit au fil des pages, il ne laisse pas de marbre.

En bref : Une plongée dans ce que j’appelle un vraie roman psychologique.

Extraits :

Le cendrier était plein de mégots, l’air puait la fumée de cigarette et le tabac froid, une odeur qui n’allait pas non plus dans cette maison. le visage de ma mère était brillant et bouffi, un rouge à lèvres fraichement appliqué luisait sur ses lèvres; comme si elle attendait de la visite ou que des visiteurs soient venus et repartis, ce qui aurait expliqué les assiettes dans l’évier, les mégots fumants dans le cendrier et cette atmosphère de malaise fiévreux qui vous tordait l’estomac.

Ma fascination pour la maison délabrée où Zoé Kruller était morte était aussi une fascination pour un endroit – interdit, jamais mentionné en famille – où mon père s’était rendu, comme il l’avait reconnu tardivement et à contre coeur.

Les amants de Spoutnik – Haruki Murakami

Pourquoi ?  Ayant vraiment bien apprécié la lecture de Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil, j’avais l’envie de renouveler l’expérience avec Murakami, retrouver son style à a fois épuré et poétique ; me retrouver tout simplement en terrain connu suite à une expérience non concluante avec la plume (talentueuse, mais pas forcément des plus abordables.) de Tony Morison.

L’histoire : Notre narrateur K, jeune professeur insatisfait dans ses relations amoureuses, est en réalité attiré par Sumire. Cette dernière se destine à l’écriture, jusqu’à ce qu’elle tombe sous le charme de Miu, une trentenaire mariée dont elle deviendra la secrétaire.

Et alors ? Facile à lire, le roman vous laissera quand même vous débrouiller avec quelques subtilités ; nous naviguons entre le réel et le monde parallèle.
Avec l’auteur japonais, on se pose, on lit, on se questionne, on voyage. Le tout est calmement bousculé par certaines situations qui tiennent de l’irréel. La part de l’onirisme dans le roman est assez légère, mais essentielle. Elle tient davantage à de la poésie, de l’image. (Rien que le nom Spoutnik a son importance.)
Il se passe peu de choses, mais j’ai parcouru le livre sans ennui, peut-être juste un peu déçue, car j’ai été moins saisie que pour Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil (oui bon je m’attendais à plus de sensualité, forcément le sujet étant un triangle amoureux, j’ai peut-être fantasmé.) Or, il est question d’autre chose, les protagonistes s’appesantissent plus sur des sujets comme la solitude, l’écriture, mais aussi le manque de désir.

En bref ; Si vous ne voulez pas être guidé, et que vous avez envie d’une part de réel, une part de flou et une part rien que pour vous, tester Murakami.

Extrait :
C’est sans doute pour cette raison que, très jeune, j’appris à tracer une frontière invisible avec les autres. J’établissais une distance subtile entre moi et mes relations, quelles qu’elles soient, et observais les réactions de mes partenaires en veillant à ce que cette distance ne rétrécisse pas.

Sumire se leva lentement, et entreprit de mettre le pyjama de Miu. Il fallut du temps pour en refermer les boutons. Elle n’avait aucune force dans les doigts. Pourtant Miu la regarda sans faire un geste pour l’aider, comme si elle observait une sorte de cérémonie religieuse.

 

 

Le carnaval des illusions – Jo Rouxinol

(4,5 / 5)

Pourquoi ? Jo Rouxinol, c’est une auteure que j’avais repérée dans le groupe de lecture Accro aux livres. Elle avait souvent la réplique constructive pour apaiser certaines tensions littéraires (si si parfois il y en a !) J’apprends alors qu’elle a publié deux romans sur Kindle… de qualité j’entends dire. Je choisis donc de commencer par La carnaval des illusions. Go !

L’histoire : Eva prépare son CAPES, et pour tester sa motivation et sa résistance, elle est pionne dans un collègue de banlieue parisienne. La roman suit l’étudiante dans son rôle de surveillante, avec en écho les souvenirs d’une expérience amoureuse qui l’a fait traverser l’océan pour une immersion au Brésil et plus précisément à Rio dans une association qui oeuvre pour les jeunes des favelas.

Et alors ? Le lecteur est interpellé dès la première phrase “Sale pute, je vais te niquer, wesh !” Et c’est là la force du livre, on plonge directement dans une ambiance, aussi bien dans les couloirs d’un collège que dans les favelas de Rio.

Nous faisons d’abord la connaissance de quelques élèves, certains fortement dissipés avec leurs vies complexes qui se s’emboitent pas dans l’exigence scolaire. En face d’eux on y retrouve le malaise des jeunes professeurs directement jetés dans l’arène. Des rapports tumultueux aggravés par la violence du cyber harcèlement. Autant de sujets qui sont traités avec une plume photographique (là je pompe sur Kalya Ousmane qui a aussi chroniqué Jo Rouxinol) Une plume qui se veut sans jugement, sans violence, mais qui rend le lecteur encore plus sensible à l’histoire.

Et puis il y a la vie au Brésil, le prolongement d’une histoire d’amour née lors d’un concert à Paris. Eva goûte au paradis sur les plages de Rio, avant d’en percevoir les artères de la misère, et cette injustice tolérée dans les favelas pour le bien du touriste.

A travers la foule de personnages qu’elle rencontre, Eva cherche à aider, aimer, croire en l’humain, elle qui a une famille rétrécie par des départs précipités.

Je ne pense pas me tromper en disant qu’il y a beaucoup de l’auteure dans ce roman. Ce qui explique parfois que le style se modère, qu’il pourrait donner davantage encore. Et c’est pour cette raison que je suis impatiente de retrouver Jo Rouxinol dans une fiction.

En bref : Le carnaval des illusions, c’est Eva et le flot des personnages qui gravitent autour d’elle, qui vivent, s’aiment, veulent y croire et subissent, douloureusement, l’arrêt brutal de la fête.
Il ne faut cependant pas croire à un roman pessimiste. J’ai davantage perçu une envie de se reconstruire coûte que coûte.

Où trouver Le carnaval des illusions ?

https://www.amazon.fr/carnaval-illusions-Jo-Rouxinol-ebook/dp/B01IYISJHK

Extraits :

C’est une toute jeune femme, elle doit avoir 25 ans, mais son être cristallise l’essence professorale dans ce qu’il a de plus caricatural. Un professeur surgi du fond des âges, empli d’un savoir colossal et poussiéreux, si lourd qu’il leste l’esprit et l’entraine comme une pierre dans l’abîme de l’ennui.

Je traque es signes d’une joie qui s’amenuise, les étoiles dans les yeux qui s’éteignent, rien d’inquiétant au début, juste une ou deux dont l’absence d’éclat passe inaperçu, j’essaie de débusquer les traces d’un enthousiasme moins flagrant pour nos promenades ou pour nos conversations, mais jusqu’au bout elles demeurèrent entrecoupées, de digressions, d’éclats de rire et de gaies chamailleries.

Depuis que la police pacificatrice s’était installée dans les bidonvilles, ceux-ci avaient été envahis par les organisateurs d’événements par les touristes, la bourgeoisie carioca de la zone sud qui se barricade volontiers derrière des résidences ultra fermées mais qui aiment investir des territoires plus pauvres le temps d’une nuit festive.

Brésil – John Updike

Brésil – John Updick – 1994
(5 / 5)

Pourquoi ? Lecture conseillée par le Tigre (auteur d’un très bon blog dont je reparlerai sûrement) je décide de découvrir une histoire d’amour sombre au possible, allons y !

L’histoire : Au Brésil, plus précisément à Rio, nous assistons au coup de foudre, évident et brutal, entre deux jeunes gens issus de milieux opposés. Lui, fils d’une prostituée alcoolique, elle, élevée par son oncle richissime. L’on voudra les séparer, mais leur amour tentera de tout vaincre quitte à passer par les situations les plus glauques…

Et alors ? L’une de mes meilleures jusqu’à présent, et pourtant je suis bien loin de la conseiller à tout le monde. C’est un conte sombre, cruel et cru, servi avec une écriture brillante. Le livre se lit vite si on accepte de passer par des cases les moins réjouissantes. (prostitution, esclavage, captivité.) Nous suivons ce couple amoureux, que le monde, les gens, la malédiction veulent séparer. Ils s’enfonceront dans les pires situations pour vivre à deux. Il y a de la folie dans cet amour démesuré, dans leur fuite truffée de sombres aventures et puis un soupçon de magie pour nous offrir un final renversant qui amène à de perturbantes réflexions. Mais je n’en dirai pas plus.

En bref : Un mets délicat, des plus original qui causera malaise ou émerveillement.

Extraits : 

Il avait, en effet, une mère, une mère qui était une putain, pire qu’une putain, car dans ses souleries, elle couchait avec des hommes sans argent et élevait ses gosses comme des têtards dans le marécage de sa négligence et de ses désirs passagers.

C’était vrai, la cachaça, introduite en contrebande dans la montagne, se vendait très cher et Tristao, pour faire comme les autres garimpeiros, ne refusait pas un verre ou deux.La faiblesse de sa mère qu’il avait toujours méprisée, se réveillait en lui.

Malgré sa sexualité un peu durcie, Isabelle trouvait excitant de recevoir les assauts préoccupés de Tristao, de tenter de s’ajuster à un système nerveux plus anguleux qu’avant, moins arrondi par la pérennité du désespoir.