Sans elle – Amélie Antoine Avec elle – Solène Bakowski

Avec elle et Sans elle de Solène Bakowski et Amélie Antoine

Pourquoi ? Le projet d’Amélie Antoine et Solène Bakowski  m’a interpellé. Alors à la base, je trouve ça irréalisable d’écrire à quatre mains, sauf qu’ici c’est différent. Ce sont les mêmes personnages, la même base, mais un infime détail, comme prendre le temps de faire ses lacets ou non, va changer la donne de toute une vie et donner naissance à deux romans distincts.

L’histoire :

Sans elle d’Amélie Antoine : Le soir du 14 juillet, Coline six ans est punie dans sa chambre, alors que sa soeur jumelle Jessica se rend aux feux d’artifice avec sa mère. Tout se passe bien, jusqu’à ce que la petite fasse son lacet, s’en va rejoindre un vendeur à la sauvette et disparait.

Avec elle de Solène Bakowski : Toujours ce même soir, sauf que Jessica ne prend pas le temps de nouer ses lacets et s’étale de tout son long aux pieds d’un homme qui activera le long déclin de la famille Simoëns.

Et alors ?

Sans elle : J’ai aimé le risque pris par Amélie Antoine. Je ne vais pas aller dans la précision au risque de spoiler, mais disons que l’auteure ne prend pas la trajectoire toute tracée qu’on attend dans ce genre de roman. Nous ne sommes pas dans un thriller glaçant avec des indices placés au compte goutte pour nous livrer la clé de l’énigme après avoir subi une série rebondissements. Non. Ici, le rythme n’est pas soutenu, même si des questionnements et l’envie d’en savoir davantage m’ont toujours poussée à tourner les pages. Dans le roman Sans elle, nous sommes surtout avec eux ; aux côté des parents, de la soeur, de la famille, de l’angoisse, des indices retenus puis disqualifiés, des fausses pistes, des espoirs écrasés et surtout l’attente et les questions qui finissent par faire croupir cette famille amputée.

Cet événement terrible ouvre les portes à la police bien sûr, mais pas que. La famille se retrouve continuellement perquisitionnée par les regards des autres dans sa propre intimité et dans son impossible reconstruction.

Le final interroge, frustre peut-être, mais sublime l’intention de l’auteure.

Alors mon seul bémol, un avis personnel qui n’engage que moi, c’est que j’aurais peut-être aimé un style moins lisse, peut-être plus rocailleux.

Avec elle :

J’ai choisi de lire le roman de Solène Bakowski après celui d’Amélie Antoine. Je me doutais que Sans elle allait être pesant parce qu’il traite de la disparition d’une enfant. Avec elle ne nous apporte pas non plus une bouffée d’oxygène… Il traite avant tout de la relation entre les jumelles Coline et Jessica face à l’étiolement de l’amour de leur parent, de la concurrence qui finit par naitre entre elles et d’un secret qui les lie autant qu’il les envenime. On se doute bien que ça va mal finir, mais nous n’allons pas directement droit dans le mur, on descend doucement vers la catastrophe en prenant quelques détours qui nous font croire que tout pourrait être sauvé.

Je pense que chaque lecteur en fonction de son ordre de lecture va porter un regard différent. Je ne vous cache pas qu’ici, j’ai eu une sacrée envie d’ouvrir les yeux de Patricia qui s’accapare de nouveaux problèmes, alors que Jessica est à ses côtés.

J’aurais juste aimé retrouver davantage la poésie sombre de Solène Bakowski, présente évidemment dans le roman, mais peut-être plus en retrait que dans son roman Un sac.

En bref : Une bonne idée de départ, développée avec soin par deux auteures qui aiment entretenir la connivence avec leurs lecteurs pour mieux les plonger dans le noir.

 

Un sac – Solène Bakowski

Un sac- Solène Bakowski

Pourquoi ? Ce livre est un peu spécial pour moi, car c’est après sa lecture, que mon beau-père, m’a, de un encouragé à tenter l’aventure Kindle, et de deux à lire le roman évidemment. Alors avec un peu de retard, j’ai fini par ouvrir le sac…

L’histoire : Devant le Panthéon à Paris, une femme arrive avec un sac. Cette femme s’appelle Anna-Marie Caravelle et vous livrera son histoire, un parcours miné par la captivité, la prostitution et le triangle amoureux, avant de déposer le sac et son contenu.

Et alors ? Un roman noir à part, qui fait un petit pas de côté par rapport à ce qu’on a l’habitude de lire. La noirceur, vous en aurez, mais même aux pages les plus sombres, il ne basculera pas dans le trash. Il y a même des petites touches de lumière au fil des pages, légères et vite obscurcies.

Les personnages secondaires du roman sont en constant ballotage entre le meilleur et le pire. Animés d’une volonté de bien faire, de protéger, ils finissent par casser, saboter et donc de recevoir la monnaie de leur pièce. Quant à Anna-Marie, elle est née sans repère, munie d’une identité précaire, d’une figure maternelle liée à la folie et d’un reflet qui lui renvoie une énorme tâche en plein sur le visage. L’auteure ne cherche pas à lui trouver des excuses, mais elle peint avec finesse la marginalité d’Anna-Marie Caravelle.

Mon seul regret ; quelques passages qui m’ont parus jouer en accéléré, que j’aurais aimé voir décortiqués, mais l’ensemble reste logique puisque nous lisons les feuillets que noircit notre Anna-Marie avant de déposer le sac.

La fin vous retourne, et se profile dans les dernières pages ; on en devine les contours, mais elle vient s’abattre avec violence pour balancer dans une mélancolie implacable.

En bref : Un roman noir, de la finesse et de la folie qui se rencontrent dans un Paris sale et sublime.

Extraits :

J’aurais pu être morte, sa vie n’aurait pas été plus solitaire. Tel un pouvoir magique, elle réussissait à me refroidir tout entière dès que je la savais dans les parages.

Camille n’aimait pas souffrir. D’ailleurs, il ne souffrait jamais. Vraiment je veix dire. Enfin pas comme moi. Pas au même niveau. Je crois. En revanche, il aimait se persuader qu’il souffrait. Cela donnait de la consistance à son personnage d’auteur incompris.

Elle voudrait savoir qui, du monument gigantesque ou de l’homme minuscule, éclabousse l’autre et lui fait l’aumône d’un peu d’éternité.